CONSOMMATION
La pause snacking en boulangerie menacée par l'inflation
Des sandwiches triangle en lieu et place des propositions fraiches et croustillantes des boulangers. L'option n'a rien d'attrayant sur le papier mais elle est pourtant choisie par un nombre croissant de Français, touchés de plein fouet par l'inflation. Ainsi, l'offre industrielle de snacking continue de se développer : selon l'institut NielsenIQ, les sandwiches en libre-service ont connu une croissance de leurs ventes de 12,5% entre 2021 et 2022 en grande distribution... avec des perspectives très encourageantes pour les acteurs de ce marché, puisque le cabinet Circana observe une hausse de 5,2% sur les trois premiers mois de l'année par rapport à la même période en 2022.
Les nouveaux arbitrages de consommation se font au détriment de la restauration traditionnelle et rapide, mais touchent également la boulangerie-pâtisserie, qui était devenu un lieu privilégié pour la pause déjeuner. Dominique Schelcher, patron de Système U, témoignait dans les colonnes du journal le Parisien fin février 2023 "Faute de pouvoir aller au restaurant, les Français achètent davantage de sandwichs ou de produits de snacking, qui explosent". Un constat confirmé par un reportage mené la semaine dernière par franceinfo dans la région angevine. A l'heure du déjeuner, les consommateurs se tournent vers des plats faits maison ou vers l'offre du supermarché le plus proche.
Avec sa prime de panier-repas de 10,90 euros, Nicolas, électricien, a rapidement changé ses habitudes "Avec le panier, je suis d'abord allé en boulangerie, mais, depuis cet été, je viens au supermarché. C'est moins cher." Résultat, les enseignes de distribution s'adaptent et développent leur offre. Ici, dans le U Express des Hauts de Saint-Aubin, le gérant dédie 12 vitrines à l'offre snacking, au lieu de 5 précédemment. Sandwiches, salades, plats de pâtes, ... tout y passe. Le plaisir gustatif, pourtant essentiel dans la consommation alimentaire, devient moins central et les préoccupations économiques prennent le pas... allant jusqu'à affecter des considérations nutritionnelles : réduction des portions ou de la consommation de protéines, il n'est plus rare d'observer des jeunes "qui déjeunent de chips à moins d'un euro et d'une eau à 49 centimes".
Alimentation saine, artisanale et locale, les atouts de la filière pour résister
Lors du Sandwich & Snack Show, qui ouvrira ses portes à Paris dans moins de trois semaines, l'un des axes majeurs de l'offre proposée portera vers la "premiumisation" du secteur et des produits. Un choix qui n'est pas sans poser question alors que la consommation s'oriente résolument vers une descente en gamme. Face à ces nouveaux arbitrages, comment se positionner et résister ? Même si les augmentations de prix sont indispensables pour assurer la pérennité des entreprises de boulangerie, des fondamentaux doivent rester accessibles à tous, comme le fameux sandwich jambon-beurre ou la baguette de pain.
Il s'agit également de travailler sur le discours et la pédagogie afin de sensibiliser la clientèle à l'importance d'une alimentation saine, équilibrée et exempte de produits ultra-transformés. En se tournant vers des références d'entrée de gamme, des millions de Français consomment de nombreux additifs, ainsi que des taux de sucre ou de sel élevés. Sur le plan éthique, les matières premières mises en oeuvre dans ce type de préparation sont rarement 100% françaises et les origines étrangères sont privilégiées pour des questions de prix. Santé, soutien de la filière agricole française, consommation responsable (les produits pré-emballés en grande distribution générant de nombreux déchets)... autant de sujets sur lesquels la boulangerie artisanale possède de réels arguments, qui doivent désormais trouver leur place en boutique et inspirer une démarche aussi cohérente que globale pour accroître la fidélité de la clientèle.