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ENTREPRISE

Opéra, chronique d'un réseau qui voulait grandir trop vite

Publié le 29/08/2023 |

Dans le courant de l'année 2022, la douce musique que jouait le réseau bordelais Opéra a cessé de résonner. A la place, c'est une véritable cacophonie qui a été mise à jour, avec un chef d'orchestre qui n'avait visiblement pas anticipé la complexité inhérente à l'exploitation d'une entreprise de boulangerie. Le chef d'orchestre n'était autre que l'entrepreneur et ex-patineur Marc Faujanet. Sa réussite dans l’immobilier de santé et le service aux seniors lui a conféré une surface financière qui a permis de mettre en confiance de nombreux partenaires et d'éponger, en partie tout du moins, les pertes structurelles qu'avait accumulé l'entreprise depuis sa création en 2015.

Pour justifier la volonté de se lancer dans l'univers de la boulangerie-pâtisserie, l'éditeur et libraire (à la tête, à l'époque, des éditions Féret ainsi que de la librairie de la Comédie et de 45è Parallèle) évoquait des souvenirs d'enfance avec son oncle, lui-même pâtissier de métier. La rencontre avec le chef Joël Chauvin, alors installé à Cestas (33) aurait été déterminante dans sa volonté de bâtir une enseigne positionnée sur des emplacements de passage, à Bordeaux, dans sa périphérie mais également à Arcachon. Place Puy-Paulin, place de l'Intendance, Pessac Toctoucau, Gradignan, ... les deux hommes, accompagnés de Christophe Rostoll pour les aspects liés au développement, voient grand. Trop grand ? Derrière le décor clinquant, un laboratoire de 1 200m2 et la volonté initiale de compter 20 points de vente au sein du réseau, la question de la rentabilité avait visiblement été occultée. En consultant les comptes de la Holding fédérant les entreprises du groupe, on observe que cette dernière n'a jamais été rentable, avec un résultat négatif oscillant de - 137 000 euros en 2016... jusqu'à - 5 687 000 euros en 2021. 

Des difficultés aux justifications discutables

La crise des gilets jaunes et les restrictions liées au Covid-19 ont été évoqués pour justifier le marasme dans lequel s'est enfoncé l'enseigne entre 2021 et 2022, période à laquelle 10 (sur un total de 25) de ses boutiques ont été placése en redressement judiciaire. Autant de justifications assez légères aux yeux des créanciers de la structure, dont les ardoises commençaient à s'accumuler : difficultés pour régler les salaires, loyers impayés à Saint-Médard-en-Jalles (33) ou au coeur de Bordeaux... Pour autant, Marc Faujanet continuait d'afficher la même détermination à faire grandir sa marque, promettant l'ouverture, d'ici à 2024, de 50 nouveaux points de vente à Bordeaux, sur le Bassin d’Arcachon ou encore dans les Landes. Au lieu de cela, les fermetures et liquidations se sont multipliées, et le laboratoire central a été vendu aux enchères début 2023 après avoir cessé son activité dès l'automne 2022. Dès lors, pour les sites restant en activité, il était devenu nécessaire de s'approvisionner auprès de fournisseurs externes pour la pâtisserie, seul le pain restant artisanal. Si l'intérêt d'un repreneur avait été un temps évoqué, l'issue fut fatale pour l'entreprise, qui a entièrement disparu. 

Un développement hâtif, négligeant les clients et le produit

Cet exemple qui devrait inspirer de nombreux autres acteurs du marché, qu'ils soient actifs ou en développement. Les erreurs stratégiques de l'équipe dirigeante ont été aussi nombreuses que fautives, avec une absence de maîtrise des coûts et une aveugle volonté de déployer la marque, y compris sur des emplacements pas ou peu rentables. Malgré la présence d'un homme de métier parmi les responsables de la structure, en la personne de Joël Chauvin, l'entreprise semblait rapidement avoir perdu pied avec les réalités qui façonnent le secteur de la boulangerie-pâtisserie. En effet, la capacité d'Opéra à fidéliser sa clientèle pouvait poser question : si le décor était particulièrement soigné, la qualité des prestations n'était pas toujours à la hauteur de la promesse. Dès lors, la clientèle se sentait légitimement lésée. Quand bien même l'enseigne pouvait compter sur un public de tourisme une partie de l'année, cela était bien loin d'être suffisant pour assurer le fonctionnement de points de vente d'une superficie dépassant de très loin les standards de la profession. A défaut d'un Opéra, Marc Faujanet s'était au final offert une danseuse. Elle aura tristement laissé des dizaines de personnes sans emploi.