ENTREPRISE
Avec son concept Café, Paul met le pain de côté
Adieu le pain, bonjour le café. C'est un choix stratégique qui s'inscrit en rupture avec l'ancrage de la famille Holder dans la filière boulangère : au travers du déploiement (engagé dès 2021) de l'enseigne Paul le Café, l'entreprise fait le choix délibéré de se positionner sur de nouvelles gammes de produits, en renonçant par la même occasion à la vente de pain dans ces points de vente "nouvelle génération". Déjà déployé au sein des gares Montparnasse (Paris 14è), Lyon Part Dieu, à l'Aéroport d'Orly (94), sur des aires d'autoroute, et à l'international, le concept va désormais accroître sa visibilité en accélérant son développement au travers de la conversion de points de vente existants et prendra notamment place mi-novembre sur les Champs-Elysées (au 84 avenue des Champs-Elysées, Paris 8è), en lieu et place de l'identité traditionnelle de la marque.
A quelques mètres de là, un autre acteur du marché de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP) prend l'exact chemin inverse : en convertissant une unité Pomme de Pain en une boulangerie Louise, InVivo fait le pari de fabriquer du pain artisanal et de l'intégrer à une offre où la restauration rapide tient une place centrale. Deux générations de réseaux se rencontrent, et si Paul a participé au sursaut qualitatif de la boulangerie française en amenant une concurrence dynamique aux artisans traditionnels, l'entreprise semble à présent souhaiter simplifier son exploitation. En effet, dans de nombreux points de vente de l'enseigne, le pain demeure en partie fabriqué sur place, ce qui nécessite de disposer d'un matériel conséquent et d'une main d'oeuvre qualifiée. En 2020, Maxime Holder confiait au Figaro que 20% de l'activité de Paul était encore réalisé sur la vente de pain. Une exception française, puisque la moyenne se situe plutôt aux alentours de 10% pour les autres pays d'implantation, qui devrait peu à peu s'éteindre au fil de la montée en puissance du nouveau concept.
Un repositionnement après une opération de montée en gamme avortée
Le diagnostic réalisé par le Groupe Holder est réaliste : les attentes des consommateurs ont évolué et, dans ce contexte, l'image de Paul n'est plus aussi attractive qu'elle n'était. Pire encore, faute de renouvellement, elle et ses uniformes blancs, accompagnés de l'iconique chapeau, sont devenus dépassés face à ces acteurs mieux positionnés, aussi bien dans le secteur des réseaux de boulangerie que du snacking. En 2014, Francis Holder avait tenté de mener une révolution en interne afin de remettre le pain au centre du concept et améliorer la qualité globale de la prestation. Le patriarche ne sera pas parvenu à convaincre ses nombreux partenaires franchisés et concessionnaires, pour qui une telle remise à niveau qualitative aurait engendré d'importants investissements et changements organisationnels. Au delà de ses nouvelles couleurs (intégrant une teinte cuivrée alors absente de l'univers de l'enseigne), Paul le Café s'inscrit dans le prolongement d'une simplification des gammes souhaitée à l'époque par Francis Holder. L'univers "coffee-shop" que veut déployer le réseau correspond bien aux nouvelles tendances du marché, même si d'autres acteurs ont choisi de s'y ouvrir sans pour autant couper les ponts avec la tradition boulangère. Même si cet effort de diversification devrait contribuer à déployer la marque, notamment en travel retail, ce qui demeurait encore l'un des premiers réseaux de boulangerie français continuera à perdre les aspérités qui ont façonné son concept et assuré une part de son succès. Au risque d'une banalisation irréversible de la marque.