CROISSANCE
Accompagner le développement des artisans ambitieux pour faire vivre de nouveaux réseaux
Entre l’artisan indépendant et l’enseigne nationale, une voie du milieu semble se dessiner. Portée par des professionnels talentueux ou des entrepreneurs dynamiques, cette tendance participera à la recomposition du paysage boulanger français... nécessitant, pour la pleine réussite du processus, des outils spécifiques et une parfaite compréhension des enjeux.
Grandir a longtemps été un mot mal accepté au sein de la boulangerie-pâtisserie artisanale : au-delà de trois à quatre points de vente, l’entrepreneur était rapidement considéré comme éloigné des valeurs fondatrices du métier, étant rapidement contraint à centraliser la fabrication de plusieurs gammes de produits et à rationaliser son exploitation. Pourtant, rapprocher une exécution industrielle et l’univers artisanal a de nombreuses vertus : la mise en œuvre de procédés mieux maîtrisés, avec un contrôle qualité adéquat, permet d’améliorer la prestation offerte au client autant que les conditions de travail des collaborateurs. Une opération qui n’a rien d’évident car, au fil du développement et de la multiplication des points de vente et de production, les tentations de prendre des raccourcis sont grandes : simplification des recettes en panification, mise en place d’une fonction achat ayant pour seul objectif de réduire le coût matière sans s’intéresser à la répartition de la valeur dans la filière agricole ou à la qualité des produits bruts...
Ce défi est d’autant plus grand pour les acteurs de l’écosystème boulanger que les profils souhaitant développer ces « micro-réseaux » sont variés et peuvent aller de l’artisan traditionnel, souhaitant donner une nouvelle dimension à l’exécution de son métier, au reconverti porté par une volonté de réussite financière. Dans l’Ouest de la France, Louis Lepicard et Thibault Pillet prouvent qu’on peut associer envie d’entreprendre et produits de qualité. Le duo, à la tête de l’enseigne Emma, née à Nantes en 2016, est issu des milieux de l’optique et du matériel médical. Pas de quoi les empêcher de se faire un nom grâce à leurs choux colorés, fabriqués au sein du laboratoire central de 2 200 m2 situé à Orvault (44), leurs pains au levain naturel ou leurs viennoiseries maison. Avec ses espaces de vente soignés, la marque compte d’ores et déjà 12 points de vente, dans les Pays de la Loire et en Normandie. La structure a pu compter sur l’accompagnement de la Minoterie Girardeau, soucieuse d’accompagner le développement de ces « nouveaux réseaux », comme elle l’a prouvé en 2022 en co-organisant le premier Salon des boulangeries en réseau (SBR) à Rungis (94).
Un équilibre renouvelé entre tradition et modernité
La pérennité de ces acteurs montants tiendra à leur capacité à réaliser des investissements nécessaires à leur développement : l’automatisation de tâches à faible valeur ajoutée s’avère rapidement indispensable, à l’image de la division des pâtons ou la découpe de la viennoiserie. Les constructeurs accompagnent cette tendance en développant des équipements adaptés, à l’image des laminoirs Rhea Auto signés Bongard, qui permettent de tourer, laminer, fariner et enrouler automatiquement tout type de pâte, tout en respectant la pâte et en garantissant la qualité du produit fini. Même logique du côté de la gestion opérationnelle, où les logiciels d’encaissement ont musclé leurs outils intégrés, tout en ouvrant des passerelles vers la mise en place de systèmes d’ « Enterprise Resource Planning » (ERP). Ces derniers peuvent devenir indispensables dès lors que la structure multiplie les entités légales et les points de production, ce qui nécessite alors une parfaite gestion des flux entrants et sortants. Un sujet sur lequel s’est penché le groupe Crisalid, qui a misé sur un partenariat avec la start-up Omydoo, spécialisée dans l’intégration de l’ERP Open Source Odoo, mais aussi Synapsy, grâce à sa fusion achevée en 2022 avec le groupe Progial, spécialiste des ERP pour les industries agroalimentaires depuis de nombreuses années.
En réalisant des gains de productivité et en visant l’excellence opérationnelle, ces acteurs en devenir du marché de la boulangerie-pâtisserie seraient alors en mesure de se différencier par un rapport qualité/prix étudié. Pour les meuniers, accompagner ces entreprises sera un véritable challenge. « Ils sont remués par cette évolution : les marges qu’ils réalisaient avec les artisans étaient plus confortables qu’avec ces structures aux capacités de négociation supérieures », reconnaît Didier Boudy, président de la FEB. Ils devront pourtant, au-delà d’un prix de farine, être en mesure d’accentuer l’ancrage dans la filière de ces projets au travers d’une vision rénovée du service.
Maîtriser ses marges et ses commandes en mode multiétablissement : une évidence grâce à la solution Otami
Si l’importance du contrôle permanent de ses marges et coûts de revient a été mise en lumière par la crise traversée par la filière depuis l’an passé, l’exercice n’a rien d’évident lorsqu’une entreprise de boulangerie se développe : le nombre de références transformées s’est accru au fil des ans, suivant la montée en puissance d’activités telles que le snacking. L’apport de solutions innovantes et centralisées peut se révéler décisif afin de permettre au chef d’entreprise de pérenniser son développement « Otami a été pensé comme un outil collaboratif, accessible à l’ensemble des salariés (chefs, pâtissiers, boulangers, vendeurs...), détaille Guillaume Philipson, cofondateur de la jeune pousse paloise, nous offrons à nos clients la possibilité d’avoir une vision globale de leurs marges, y compris s’ils disposent de plusieurs établissements. C’est un sujet sur lequel nous sommes mobilisés depuis plus d’un an. »
Au quotidien, la plateforme s’intègre dans toutes les actions du laboratoire grâce à la gestion des fiches recettes et à un calculateur de production performant, ce qui facilite la transmission de l’information et garantit une meilleure régularité. Otami ne cesse de développer de nouvelles fonctionnalités pour s’adapter aux besoins de ses utilisateurs. Ainsi, en cette rentrée, l’outil se dote d’un module permettant de passer les commandes auprès des fournisseurs à l’aide d’un cadencier personnalisé. « Cela va permettre à l’ensemble des équipes de pouvoir passer les commandes en évitant tout risque d’erreur, avec une sélection automatique du fournisseur souhaité pour chaque référence. » Un gain de temps appréciable, accompagné d’un meilleur suivi des opérations. « Il devient ainsi possible de savoir quelles actions ont été réalisées par les équipes et à quel moment. » Plus que jamais, Otami est le partenaire des artisans pour une exploitation sereine et durable.
Faut-il miser sur une marque pour se développer ?
En environnement urbain, les marques et grandes enseignes sont devenues prédominantes, et si la clientèle les identifiait auparavant comme un gage de qualité de prestations et de produits, les attentes portées vis-à-vis des entreprises artisanales ont évolué. La relation des Français avec les « chaînes » est très ambivalente : s’ils les plébiscitent pour leurs prix ou la praticité de leurs emplacements, ils voient d’un mauvais œil le développement d’un artisan, considérant qu’il s’éloigne alors de ses valeurs originelles. La forte représentation de certaines « enseignes », pourtant artisanales, sur un territoire géographique limité peut avoir des effets contre-productifs. Ainsi, à Paris, la Maison Landemaine a choisi de retirer son enseigne d’environ la moitié de son parc afin de recréer des « boulangeries de quartier », avec une offre recentrée sur des produits accessibles, à l’image de la tarte fine aux pommes, produit phare de la gamme de pâtisserie boulangère.
Un choix audacieux mais sans doute nécessaire dans un environnement ultra-concurrentiel… qui serait impossible à mettre en œuvre pour des enseignes franchisées, où la marque est un élément essentiel de leur modèle.