COMMERCE
Comment la shrinkflation s'invite en boulangerie-pâtisserie
Des baguettes plus courtes ou pesant 230, 220 voire 200 grammes, des gâteaux aux portions réduites, un croissant moins joufflu... la shrinkflation, largement décriée ces derniers jours, existe également en boulangerie-pâtisserie artisanale. Le principe n'est pas nouveau : pour limiter l'augmentation le prix de vente facial, le fabricant réduit le poids du produit (ce qui ne l'empêche pas, au passage, de revoir sa tarification). Dès lors, la perception du client est altérée. Si les industriels sont particulièrement coutumiers du fait et se retrouvent désormais pointés du doigt, le risque serait important si jamais la défiance s'emparait des consommateurs au sujet des artisans.
La pâtisserie a été la première touchée : la taille des gâteaux s'est réduite au fil des années. Désormais, la norme d'une part d'entremets ou d'une tarte se situe aux alentours de 120g, bien loin des portions gargantuesques pouvant atteindre le seuil des 200g à une époque. Souvent justifiée par des préoccupations diététiques prêtées à la clientèle, cette évolution trouve aussi des raisons économiques. La maîtrise du coût matière étant devenue un sujet d'importance pour les boulangers-pâtissiers, ils deviennent alors plus rigoureux sur les quantités... au risque de réaliser un calcul court-termiste et provoquant une perte de clientèle : par le caractère fréquent, voire quotidien, des achats en boulangerie, une modification de taille sur un produit est particulièrement visible aux yeux des clients. Ainsi, on observe que ce sujet est fréquemment abordé dans les avis laissés sur des plateformes telles que Google : même s'il ne s'agit que d'un incident ponctuel, le sentiment d'être lésé par une quantité réduite s'installe rapidement. L'expression "en avoir pour son argent" n'a jamais été aussi actuelle, car les consommateurs sont à la recherche d'un rapport qualité/quantité/prix optimal.
En boulangerie, seul le prix au kilogramme du pain doit faire l'objet d'un affichage clair au sein du point de vente, ce qui rend toute manoeuvre de réduction de poids visible aux yeux du client. A l'inverse, la viennoiserie, la pâtisserie ou le snacking sont bien moins contraints et il est possible de maintenir l'illusion d'un produit généreux même si ce dernier a été modifié : qu'il s'agisse de proposer des croissants ou des pains au chocolat très alvéolés, conservant donc un beau volume malgré un poids maîtrisé, ou de pâtisseries aux crèmes largement foisonnées, plusieurs options sont à la disposition des artisans en terme de méthodes de fabrication afin de préserver l'attractivité visuelle de leurs fabrications, cette dernière étant primordiale pour générer un acte d'achat. Certains ont ainsi mené des stratégies de reformulation poussées, réduisant la quantité d'ingrédients au coût élevé (beurre, crème, chocolat, vanille...). L'exemple du croissant est particulièrement intéressant : en tourant la pâte levée feuilletée avec un pourcentage de beurre plus faible (jusqu'à 20% pour certaines recettes), il est possible d'obtenir un produit au visuel très attirant, avec des feuillets nets et bien développés. Cependant, la déception peut être grande lors de la dégustation : entre maîtrise des coûts, des quantités et préservation du plaisir, les artisans sont contraints à un exercice d'équilibriste particulièrement complexe.