Les sandwicheries, des commerces en sursis ?

Les indiscrétions parues la semaine dernière au sujet de la mise en vente de l'enseigne Pomme de Pain par l'union de coopératives InVivo jettent une lumière crue sur la situation dégradée des grands noms du "snacking à la française" : jadis portés par la faiblesse de la concurrence sur des produits accessibles tels que le sandwich, ils doivent aujourd'hui faire face à de nombreux acteurs dynamiques, dont l'offre correspond aux attentes des nouvelles générations de consommateurs ou dispose d'une légitimité supplémentaire en terme de savoir-faire et/ou de sélection des matières premières.

Pourtant, on ne peut reprocher à ces entreprises leur immobilisme : qu'il s'agisse de Brioche Dorée (Groupe Le Duff), la Croissanterie (Delineo) ou de Pomme de Pain, de nouveaux concepts ou des partenariats avec des signatures reconnues ont été développés afin de tenter de renouveler l'attrait du public. A Boulogne-Billancourt (92), la filiale d'InVivo, placée sous la responsabilité de sa division retail (Teract), a inauguré en juin le pilote d'une nouvelle approche, avec une identité visuelle rajeunie, un parcours client digitalisé et la valorisation des aspérités de l'enseigne, comme la préparation à la commande qui compte parmi ses engagements historiques. Suffisant pour relancer la fréquentation et couper avec la spirale des pertes entretenue depuis plusieurs années ? InVivo semble en douter, après avoir déjà injecté, selon l'Informé, près de 38 millions d'euros dans la structure, qui serait cédée à son directeur général Nicolas Papageorgopoulos si le projet était mené à son terme. Une bonne partie des points de vente en succursale seraient alors passés en franchise, ne restant en propre qu'une douzaine d'établissements, appelés à être remodelés pour adopter le nouveau concept de l'enseigne signé par l'agence Market Value.
Du côté du Groupe Le Duff, on avait également tenté de rajeunir la marque Brioche Dorée : le concept développé en 2019 mettait en avant le "Made in France", la fabrication devant les yeux des clients et introduisait le libre-service, jusqu'alors inexistant au sein de l'enseigne. La période Covid aura mis un sérieux coup de frein aux ambitions de déploiement de ce format, provoquant l'abandon même du libre-service dans l'unité pilote de la rue du Renard à Paris.

Si les sandwiches et salades demeurent parmi les produits les plus consommés en mobilité, les artisans boulangers sont parvenus à capter une bonne partie de ce marché en apportant des gages supplémentaires de qualité, avec un pain fabriqué (et non seulement cuit) sur place. Ainsi, selon l'étude Speak Snacking 2023, 18% des consommateurs y prennent leur déjeuner, faisant quasiment jeu égal avec la restauration rapide à emporter, qui capte 19% des clients. Pour autant, la sandwicherie n'est pas morte : avec un positionnement clair et lisible, des entrepreneurs indépendants parviennent à faire vivre leur activité. La Bonne Tradition (LBT), Le Bon, Le Beurre & Le Truand (BBT), Lebon L'Authentique Casse-croûte, CheZaline, ... autant de noms qui sont parvenus à émerger dans un environnement parisien pourtant très concurrentiel, où les concepts apparaissent parfois aussi vite qu'ils ne ferment. En misant sur des ingrédients authentiques et des recettes cuisinées, ils participent à donner une dimension supplémentaire au "casse-croûte", qui devient alors une véritable source de plaisir. Un défi relevé par l'enseigne Picto, qui a misé dès le début sur des engagements forts pour nourrir sa capacité à se différencier : positionnée sur des emplacements de transit (en gares notamment), l'entreprise fondée en 2015 compte aujourd'hui 7 unités et défend son identité artisanale, avec un pain qui l'est tout autant, celui de la Maison Landemaine qui accompagne la structure depuis ses débuts. Une preuve supplémentaire que, derrière chaque bon sandwich, il y a avant tout un bon pain.