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La boulangerie va-t-elle sauver le snacking ?
10 800 visiteurs, 340 exposants, 6 compétitions (dont 3 nouvelles) sur seulement 2 jours. Les chiffres du Sandwich & Snack Show, qui s'est tenu les 12 et 13 avril derniers, relatent fidèlement l'effervescence que l'on pouvait ressentir dans les allées du hall 7.1 de Paris Expo - Porte de Versailles. En retrouvant un niveau de fréquentation et d'activité similaire à celui de ses meilleures années (avec un bond de fréquentation de 20% par rapport à 2022), soit avant la pandémie liée au Covid-19, le salon démontre le dynamisme d'une filière... mais également sa quête de solutions.
Le constat est alarmant : sous l'effet de l'inflation, les habitudes des consommateurs changent rapidement. Baisse de la fréquence de visite, report vers d'autres offres, augmentation des tarifs... la restauration rapide est confrontée à des défis majeurs, pouvant aller jusqu'à remettre en cause la pérennité de nombreuses entreprises présentes sur le marché. L'équation est simple : avec 51 500 restaurants dans le secteur du snacking fin 2022, si la demande se contracte massivement, l'offre pourrait alors devenir largement surabondante.
Pour le moment, la situation semble sous contrôle : avec un chiffre d'affaires de 23,4 milliards d'euros l'an passé, en hausse de 19% par rapport à 2019 -soit plus que le niveau de l'inflation alimentaire, estimé autour des 15% sur 2022-, le snacking demeure un secteur solide. Cependant, les mois à venir pourraient se révéler déterminants : les hausses de prix vont se révéler indispensables, d'autant que seule la moitié des opérateurs en avait mené lors de la réalisation de l'étude Speak Snacking 2023, au mois de février 2023. On observe d'ores et déjà que le panier moyen a peu progressé, atteignant péniblement les 11,70€ alors qu'il était déjà de 11,50€. En le corrigeant des effets des hausses de prix, les volumes auraient donc déjà entamé une baisse. Si la diversification de l'offre a porté le développement de nombreuses enseignes et acteurs, la montée en gamme -aussi qualifiée par le néologisme "premiumisation"-, associée à l'inflation, pourrait bien mettre à mal l'image-prix accessible qui constituait le point central d'attrait pour de nombreux consommateurs... sur lequel la boulangerie demeure très bien placée, avec un panier moyen de 9,20€, creusant l'écart avec sa concurrence.
"Aujourd'hui, le seul endroit où il y a la queue le midi, c'est devant les boulangeries."
Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, dépeignait il y a quelques semaines auprès de BFM TV une image du secteur pleine de contrastes, avec de grandes difficultés pour l'offre haut de gamme et, à l'extrème opposé du spectre, les acteurs les moins bien disants sur l'aspect qualitatif, avec des prix pourtant très bas. "La restauration haut de gamme (...) n'a plus la côte. (...) Les kebabs du coin, les restaurants de tacos indépendants... On est sur des baisses de l'ordre de 20% avec des fermetures qui s'accélèrent. Ce sont des restaurants mal fréquentés et finalement peu fréquentés."
Si les enseignes historiques de snacking à la française (Paul, Brioche Dorée, ...) sont à la peine depuis plusieurs années avec une chute de chiffre d'affaires de l'ordre de 10 à 15%, la boulangerie traditionnelle tire son épingle du jeu aux côtés des propositions de cuisine du monde "Aujourd'hui, le seul endroit où il y a la queue le midi, c'est devant les boulangeries."
Un boulanger nommé Figure Snacking de l'année 2023
La recette élaborée ces dernières années par les boulangers français, réseaux (Marie Blachère, Ange, Louise, Feuillette, ...) en tête, se révèle aussi résiliente qu'adaptée aux attentes des consommateurs : fraicheur, image artisanale, capacité à proposer une offre sur la plupart des instants de consommation du matin jusqu'au soir, ... le tout avec la touche française comme élément de différenciation, en plus du pain comme colonne vertébrale. Signe des temps, c'est un boulanger qui a été élu, dans le cadre des Grands Prix du Snacking, Figure Snacking de l’année parmi 10 autres noms. Jean-François Feuillette, fondateur de l'enseigne éponyme, a retiré son trophée lors du Sandwich & Snack Show, fruit du vote de plusieurs centaines d'internautes sur le site de notre confrère France Snacking.
Malgré les fragilités de la profession, mises en lumière ces derniers mois avec les sujets liés à l'énergie, les capacités d'adaptation des artisans leur permettent de faire face à des conjonctures défavorables... tout en capitalisant sur la puissance sous-estimée de leurs structures et de leur savoir-faire dans un environnement en changement.
Comment le végétal et le digital vont transformer le secteur
Ce changement est amené à se poursuivre, avec deux axes majeurs, particulièrement visibles pendant les deux jours du Sandwich & Snack Show : le virage végétal et la digitalisation. Deux révolutions culturelles pour un métier de traditions tel que celui de la boulangerie, mais le défi semble aujourd'hui atteignable à l'aide des nombreuses solutions présentes sur le marché. Qu'il s'agisse d'entreprises spécialisées dans l'intelligence artificielle, l'encaissement, les solutions de livraison, ... ou, côté alimentation, de substituts aux produits laitiers ou carnés, tous ces acteurs partagent la ferme intention de participer à écrire une nouvelle page de l'histoire du snacking. L'impact écologique du secteur ne pouvant plus être négligé, leur accompagnement sera aussi utile que nécessaire. Preuve en est que les grandes enseignes nationales de boulangerie ont déjà engagé cette transformation en modifiant leur offre et leurs méthodes en back-office pour accroître leur efficacité... et rester connectées avec leur marché. L'étape suivante -et la marche peut sembler aussi haute qu'un plafond- est à présent de toucher des acteurs de plus petite taille, qu'il s'agisse d'entrepreneurs multi-boutiques ou d'indépendants traditionnels, avec un objectif clair : inventer le snacking sain, durable et singulier de demain.
Un nouvel équilibre entre prix, plaisir et éthique doit alors se dessiner... autant de sujets pour lesquels la boulangerie peut compter sur ses atouts, grâce à une formidable capacité à créer des produits gourmands et à sa proximité avec la filière agricole. De quoi en faire, encore plus qu'aujourd'hui, un acteur central de la restauration rapide... et pourquoi pas sauver le secteur du marasme.