TENDANCES
Etude Speak Snacking 2023 : un secteur résiliant, résistant et offensif
La restauration rapide compte bien capitaliser sur ses atouts pour continuer à casser la croûte en 2023. A l'occasion de la présentation des résultats de l'édition de l'étude Speak Snacking 2023, Nicolas Nouchi, Directeur des études EMEA pour CHD Expert-Datassential, a dressé un portrait complet d'une filière aux nombreux enjeux. L'inflation a des conséquences palpables sur la fréquentation des points de vente, avec un risque d'accélération de la tendance tout au long de l'année : dès lors, dynamiser le trafic sera l'un des éléments clés de la réussite des acteurs du snacking ... pour aujourd'hui comme pour demain. 1005 individus, rassemblant un panel représentatif de la population française, ont été interrogés courant février 2023 afin de mener à bien l'étude. En complément, 150 entreprises du secteur ont partagé par voie digitale leurs actions dans le cadre de l'inflation.
Une reprise de l'activité en trompe l'oeil
En boulangerie, l'activité est revenue fin 2022 à un niveau semblable à celui observé en 2019 : avec 11,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires (soit +3% versus fin) 2019, le secteur s'impose comme un poids lourd du snacking qui pèse 23,4 milliards d'euros au total (+19% versus fin 2019). Cependant, cette bonne forme est un trompe l'oeil : avec l'inflation, la valeur totale des paniers augmente naturellement. L'institut IRI estime que l'inflation alimentaire s'élèverait à 12,9% sur 2022, et même si de nombreux opérateurs de la restauration ont fait le choix de jouer le rôle d'amortisseur, la dégradation des marges et la hausse de leurs prix de vente les place dans une situation inconfortable. Elle l'est d'autant plus que le nombre de points de vente continue à croître rapidement : on comptait 51 500 restaurants dans le secteur du snacking fin 2022, soit +17% vs fin 2019 ! En 2003, il y a tout juste 20 ans, seules 13 000 entreprises peuplaient ce paysage. Les chaines de boulangerie et de restauration ont grandement contribué à le développer et prennent une part croissante du marché, avec 1900 boutiques ouvertes en l'espace de 3 ans.
Se faire plaisir mais moins souvent, le choix des Français
Pour faire face à la contraction de leur pouvoir d'achat, les consommateurs réagissent de multiples façons, tout en tentant de préserver leur plaisir : baisse de la fréquence de visite (42%), réduction du panier moyen (25%), préparation du repas à la maison (15%) ou encore recherche de promotions, bons plans et offres de fidélité (14%). 14% du public semble peu affecté par le contexte et conserve les mêmes habitudes.
Ces transformations des habitudes sont liées à un fort sentiment que les prix ont augmenté... alors même que les restaurateurs tempèrent nettement l'ampleur du phénomène. Si 81% des personnes interrogées déclarent avoir identifié des hausses de prix dans les lieux qu'elles fréquentent au déjeuner (45% d'entre eux sur l'ensemble des produits), annonçant une inflation ressentie de 13%, seul 48% des opérateurs auraient en réalité révisé leur grille tarifaire, à hauteur de 9,1% environ. Cet écart entre le ressenti et la réalité ne se limite pas au seul marché de la restauration rapide : compte tenu de la forte médiatisation des difficultés et d'une conjoncture défavorable, un effet loupe s'est installé. Il génère des nouveaux arbitrages de consommation : 55% des restaurateurs considèrent que leurs clients ont modifié leurs comportements d'achat.
Des boulangeries aux nombreux atouts, avec une offre adaptée à de multiples instants de consommation
La crise met en lumière les atouts de la boulangerie : grâce à des produits accessibles, diversifiés et pratiques à consommer, elle représente aujourd'hui 18% des repas pris dans des lieux de snacking. Son panier moyen, qui atteint les 9,20€, demeure inférieur aux autres acteurs de la restauration rapide (11,70€). Elle continue de progresser sur des instants de consommation où elle était jusqu'alors peu présente : qu'il s'agisse du petit déjeuner (où elle représente 43% des actes de consommation, contre seulement 23% en 2022) ou du diner (12% des repas pris hors domicile), les efforts menés par les artisans dans le sens de la diversification de leur offre s'avèrent payants... mais sans doute insuffisants à moyen terme pour continuer à entretenir une dynamique de croissance.
Dans les mois à venir, le trafic en magasin sera le point d'attention central des restaurateurs et boulangers : comme nous le détaillions plus tôt dans la semaine, les consommateurs pourraient se tourner vers d'autres opérateurs pour le déjeuner ou se tourner massivement vers la "gamelle". 48% des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête Speak Snacking consomment déjà du fait maison du déjeuner au moins une fois par semaine, alors qu'ils n'étaient que 31% en 2021.
Agir pour se différencier et pérenniser son activité
Pour continuer à se distinguer, c'est un véritable plan d'actions qui doit se dessiner pour chacun des acteurs impliqués. Cela passe tout d'abord par la pédagogie et la transparence : si les augmentations de prix sont indispensables, elles doivent être expliquées et être menées avec bon sens. Cet effort doit se poursuivre sur l'ensemble des sujets ayant trait à la prestation offerte aux clients, comme le choix des fournisseurs ou la spécificité des processus de transformation. L'objectif est de bâtir des entreprises engagées dans les sujets qui façonnent l'époque, qu'il s'agisse du respect des ressources naturelles ou de l'humain. Dans ce cadre, la transformation des pratiques en terme d'emballage, imposée pour une partie des acteurs de la restauration depuis le 1er janvier 2023, est très observée : 57% des consommateurs sont informés et 47% jugent la mesure nécessaire. De quoi convaincre les opérateurs d'accélérer le déploiement des dispositifs réutilisables.
Autre outil pour fédérer une communauté sensible aux sujets environnementaux : le développement de l'offre végétale. Près de 40% des répondants à l'étude avaient consommé un repas sans viande ni poisson au moins une fois dans la semaine écoulée, alors même qu'ils considèrent que l'offre n'est pas encore suffisante dans les lieux fréquentés (à hauteur de 46%). Les opportunités pour se saisir du mouvement se multiplient, avec des références toujours plus qualitatives pour remplacer les matières premières laitières ou carnées, à intégrer dans les offres de snacking ou de pâtisserie.
Miser sur le digital pour renforcer son attractivité
Longtemps négligée en boulangerie, l'expérience digitale s'impose comme un incontournable malgré le caractère traditionnel de l'activité des experts du pain. Réseaux sociaux, bornes de commande (les clients l'utilisent à hauteur de 58% en restauration rapide lorsqu'elle est présente !) en boutique, ... autant support ne doit être négligé pour raconter l'histoire de chaque produit, augmenter le panier moyen et rendre la relation client-entreprise continue. Une relation qui se renforce par la mise en place de programmes de fidélité dématérialisés, avec la possibilité pour l'entreprise de capter de précieuses données et de personnaliser les messages portés à ses habitués.
Le numérique est aussi le terrain des plateformes de livraison, qui participe à l'activité et représente 7% des déjeuners pris dans les lieux de snacking.
Quel avenir pour la boulangerie traditionnelle ?
Face à une évolution rapide des tendances et attentes, les artisans boulangers sont appelés à se réinventer. Développement de l'offre de boissons chaudes, avec une mutation progressive du point de vente vers une identité de "coffee shop", montée en puissance de nouveaux produits tels que les pâtisseries d'inspiration américaine, positionnement sur des instants de consommation comme le dîner... l'hybridation des boutiques permettrait de brouiller les cartes et d'éviter les comparaisons entre établissements, offrant ainsi une plus grande liberté sur les prix de vente. Cela pourrait également aboutir à la disparition de la boulangerie à la française, centrée sur des produits fondamentaux que sont le pain ou la viennoiserie. Dans un contexte où les difficultés de recrutement sont nombreuses et les entreprises difficiles à gérer (coût de l'énergie, des matières premières ou même difficulté à financer des projets de croissance), elle pourrait également s'imposer comme une réponse plus durable et raisonnée que la diversification des activités. Une façon de prouver que, bien loin d'être démodés, les artisans du bon auraient encore des histoires à raconter face à ceux cédant à la dictature du beau imposée par les réseaux sociaux.