VIENNOISERIE
Classique et iconique, le croissant se décline sans décliner
Après les viennoiseries aux accents anglo-saxons, le croissant reviendra-t-il sur le devant de la scène ? C'est en tout cas le pari engagé par un nombre grandissant de marques et de professionnels, qui misent sur ce produit iconique en lui donnant un nouvel aspect autant qu'un supplément de gourmandise. Le boulanger David Bedu, installé à Florence (Italie) avait fait sensation en mettant au point le désormais célèbre croissant bicolore, développant naturellement l'attrait du produit en vitrine. Version chocolat, praliné, fruits rouges... la couleur s'est invitée dans un rayon jusqu'alors fait de nuances blondes et caramel. Comme la transition, au cinéma et à la télévision, entre l'ère du noir et blanc vers les images colorées, cette évolution avait tout d'une révolution : elle ouvrait le champ des possibles pour un produit jusqu'alors très classique.
En plus du plaisir des yeux, la transformation rapprochait le croissant de l'univers des viennoiseries fourrées. Il n'en fallait pas plus pour que des professionnels créatifs s'en emparent, à l'image du dijonnais Louis Tortochot, qui a fait du croissant parfumé sa signature. Chez Du Pain pour Demain (Dijon, 21), le client peut choisir une saveur parmi une large gamme de tartinables (framboise, citron, pistache, ...) qui sera insérée à la minute dans une enveloppe de pâte levée feuilletée maison, grâce au "Bar à croissants" mis au point par le boulanger. Une nouvelle version vient d'être déployée dans la seconde boutique de l'artisan, située en plein coeur de Dijon, avec possibilité pour le client d'ajouter un nappage et des toppings.
Les croissants garnis, une tendance montante
A présent, c'est une nouvelle vague qui se développe sur les réseaux sociaux : les croissant garnis, en version sucrée ou salée. Si l'on connaissait historiquement le croissant au jambon, généreusement garni de béchamel et de fromage, c'est une approche plus raffinée et gastronomique qui s'impose, où l'écrin feuilleté est mieux mis en valeur. La tendance a inspiré le célèbre chef pâtissier Christophe Adam, qui a développé une gamme spécifique au sein du concept de coffee-shop L'Eclair de Génie Café, dont l'implantation française est située au 122 Rue Montmartre, Paris 2è. Vanille, chocolat, pistache, framboise, tiramisu... les déclinaisons s'invitent en vitrine au fil des saisons, avec toujours un élégant topping.
Alors que les boulangeries tendent à muer progressivement en de véritables coffee-shops (avec une "coffeeshopisation" selon le néologisme employé par l'expert Nicolas Nouchi lors du Congrès du Snacking 2023), une telle déclinaison du croissant permet de valoriser la production à des prix plus élevés, offrant des marges confortables, tout en l'ouvrant à de nouveaux instants de consommation : il devient une véritable pâtisserie, appréciée notamment à l'occasion du tea-time.
D'autres vont plus loin, allant jusqu'à dédier à la fameuse viennoiserie un lieu entier : c'est le cas de "Croissant's", le "Premier Concept de Croissant salé et sucré en France" selon ses créateurs, ouvert courant mai au 17 Rue d’Odessa, Paris 14è. "Mangez les autrement" : la baseline de la jeune enseigne témoigne de sa volonté d'offrir aux clients une nouvelle expérience de dégustation, avec pour fil conducteur une base généreusement beurrée. Les créations sont assemblées à la minute pour préserver le jeu de textures : pastrami, poulet mariné, chocolat-banane, chocolat blanc-fraise, spéculoos-framboise... les propositions salées et sucrées sont nombreuses et témoignent d'une riche créativité.
Parfumer le croissant au travers de sa pâte ou du beurre, un terrain de création supplémentaire
Autre territoire de création encore peu exploré : parfumer la pâte du croissant ou le beurre de tourage, ce qui permet d'obtenir naturellement de nouvelles couleurs et saveurs. Le pâtissier Pierre Hermé avait imaginé un croissant parfumé au café dans le cadre de son "Fetish Café", mettant en oeuvre les origines sourcées et torréfiées par Hippolyte Courty, spécialiste du café de spécialité et fondateur de l'Arbre à Café. Un savoureux clin d'oeil au geste fréquemment pratiqué de tremper son croissant dans le café... idée reprise avec un supplément de gourmandise par la boulangerie parisienne Miettes (9 Rue de l'Olive, Paris 18è) dans un croissant café-chocolat. Autant de façons de prouver, grâce à ces multiples déclinaisons, que le croissant est bien loin de décliner.