CONSOMMATION
Avant de parler de qualité, les boulangers doivent désormais s'affirmer par le prix
Si l'on pensait que les produits artisanaux avaient un prix, les consommateurs ont tranché : celui-ci doit être... bas. Qualité, engagement, respect de l'environnement, éthique... autant de concepts et valeurs balayés par une inflation toujours plus présente dans l'esprit des Français, remettant en cause la viabilité des filières qualité dont le développé s'était accentué ces dernières années. Ainsi, les clients ont massivement renoué avec le supermarché, considéré comme un rempart efficace contre les hausses de prix : selon une étude diffusée début septembre par Paris Retail Week, Havas Commerce et CSA Research (baptisée ”Portrait-robot de l’enseigne qui répondra aux besoins des Français entre 2023 et début 2024”), 65% des consommateurs s'y rendent pour réaliser leurs achats, en cherchant les promotions et les "bonnes affaires".
Des évolutions tarifaires aux conséquences durables... et à retardement
Plus que jamais, le sujet de l'image-prix est central dans l'acte d'achat des consommateurs, comme en témoigne le gain de parts de marché de distributeurs tels que E. Leclerc. En effet, le prix est le premier critère pour une décision d'achat, étant cité par 65% des sondés. La qualité, considérée comme un élément cardinal par le secteur artisanal, est bien loin derrière, atteignant seulement 44%. Autre sujet mis de côté, sacrifié sur l'autel du pouvoir d'achat : un peu moins d'un Français sur deux (49%) considère que l'engagement écologique est important dans la sélection préalable à un achat... Ils sont encore moins à le considérer comme déterminant, ce dernier n'étant décisif que pour 12% des personnes interrogées.
Penser que cette manière d'agir exclut la boulangerie-pâtisserie artisanale serait une erreur fondamentale : non seulement les achats y sont quotidiens, mais les hausses menées sur des produits emblématiques tels que la baguette, le croissant ou le sandwich jambon-beurre ont considérablement dégradé l'image-prix des commerçants qui les ont menées... et, par extension, de toute la filière. La marge récupérée à court terme pourrait en définitive coûter très cher à des entreprises dont les clients ont choisi de se tourner vers des segments d'offre plus accessibles. Une baguette de Tradition française à 1,30€ pièce est-elle réellement acceptée dans l'esprit des consommateurs ? Rien n'est moins sûr. Une opposition entre pain des riches et pain des pauvres pourrait ainsi se créer durablement dans les mentalités.
Le plaisir ne ressortira pas indemne de cette crise
Les arbitrages ne sont pas le seul péril qui plane sur l'activité des professionnels du pain et des gourmandises : près de la moitié des Français envisagent de réduire leurs dépenses en articles de plaisir et en restaurants dans les mois à venir. Ils considèrent en effet, pour 92%, que leur pouvoir d'achat a fortement baissé... ce qui les pousse à mettre en oeuvre des restrictions. Le plaisir, qui se matérialise en boulangerie-pâtisserie par des produits tels que la viennoiserie, les gâteaux (entremets, tartes) et autres gourmandises, est directement affecté.
Non seulement cela affecte des activités historiques de la filière et fragilise son modèle économique, mais le snacking sera également touché par un ralentissement de la consommation. De quoi enrayer le mouvement de montée en gamme opéré par de nombreux acteurs du marché et imposer un recentrage sur des gammes plus courtes, tout en améliorant l'efficacité opérationnelle pour tenter de redresser durablement l'exploitation.