Tharshan Selvarajah, visage de l'ascenseur social en boulangerie

Le vainqueur du concours de la Meilleure Baguette de Tradition française de la Ville de Paris a le sourire. Ce samedi, il étaient nombreux à être venus l'acclamer sur le Parvis de la Cathédrale Notre-Dame de Paris à l'occasion de la remise des prix de cette compétition emblématique de la filière. Qu'il s'agisse de proches ou des équipes de son meunier, le tee shirt reprenant le logo de la boulangerie et un rappel du titre fraichement obtenu s'imposait parmi le public. 

Des cuisines au fournil, le parcours sans faute d'un boulanger autodidacte

Le boulanger du 20è arrondissement est un visage marquant de l'outil d'intégration que peut offrir la profession. Originaire du Sri Lanka, Tharshan Selvarajah a tout d'abord travaillé dans des restaurants à son arrivée en France, en 2006. C'est le hasard des rencontres qui l'a amené vers les fournils : trois ans plus tard, son futur patron et associé Xavier Maulavé, propriétaire de plusieurs boulangeries en Ile-de-France, recherche du personnel. Il en parle dans le restaurant employant Tharshan, où il est client régulier. L'aventure débute alors, avec une difficile découverte du métier "Je ne connaissais même pas la farine. Trois mois après, j'ai pensé m'arrêter" déclare-t-il à la chaine de télévision TF1. Il persiste. Une abnégation qui commencera à payer en 2018 avec l'obtention du 3è prix au fameux concours... puis la première place cette année. Le boulanger autodidacte n'aurait jamais pensé atteindre une telle récompense. "Observer la montée en puissance de tels artisans, non issus d'un cursus traditionnel, est un véritable challenge pour nous, boulangers traditionnels : ils parviennent à nous égaler voire à nous surpasser !" témoigne Djibril Bodian, gérant de deux boulangeries sous enseigne Le Grenier à Pain et vainqueur à deux reprises du concours de la Meilleure Baguette de Tradition française de Paris.

Une histoire de transmission

Au delà des concours, la boulangerie a permis à Tharshan Selvarajah de devenir son propre patron, même si une allergie à la farine développée au fil des années aurait pu lui faire changer de chemin. En 2021, Xavier Maulavé lui cède la boulangerie Au Levain des Pyrénées, où le professionnel évolue depuis près de 15 ans. Ainsi, sur cette période, l'apprentissage des métiers du pain lui aura permis de devenir son propre patron : grâce à leur force de travail et leur implication, les artisans disposent d'un formidable outil d'ascenseur social, alors même qu'il semble bloqué dans de nombreuses parties de la société. Si cela a longtemps été évident dans un métier où l'exercice indépendant demeure la norme, les évolutions du marché pourraient venir rompre avec cette tradition : non seulement les entreprises de boulangerie ont tendance à se développer, avec des prix de vente élevés, mais la montée en puissance des réseaux participe également à concentrer les points de vente dans quelques mains, toujours plus puissantes. De plus, les crises rendent l'accès au crédit bancaire plus difficile, d'autant plus pour de jeunes profils. Pour entretenir cette logique de transmission, l'implication d'entrepreneurs aguerris, ancrés de longue date dans la profession, pourrait se révéler déterminante : en offrant à leurs salariés des perspectives d'évolution, ils parviendront à mieux les fidéliser.