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Les français et le pain, une relation forte mais contrastée
Un an après l’inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l’Unesco, un sondage a été réalisé par l’IFOP pour le compte de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF). Mené auprès d’un échantillon de 1 002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, il dresse un état des lieux de la relation entre les artisans, leurs clients et le pain. Il révèle un attachement fort à la boulangerie indépendante, qui représente encore le lieu d'achat privilégié du pain pour 52 % des personnes interrogées, mais également un retard certain sur des sujets pourtant fondamentaux tels que la qualité ou la nutrition.
Une étude similaire avait été réalisée en 2005, permettant de mesurer l’évolution de l’offre et des attentes en un peu moins de vingt ans. Force est de constater que, malgré l’engagement de la filière, les résultats sont particulièrement contrastés : cela s’explique notamment par la diversité des formats de boulangerie désormais bien implantés sur le territoire, lesquels offrent des prestations très différentes.
Ainsi, alors même que l’attention portée à la cohérence de la prestation devrait être centrale, l’accueil au sein des commerces semble être moins satisfaisant aux yeux des consommateurs qu’en 2005 : si 97 % des Français demeurent satisfaits du service en boulangerie, ils ne sont que 59 % à l’être pleinement, alors qu’ils étaient 73 % en 2005. Cela pourrait s’expliquer par la montée en puissance des réseaux de boulangerie, où le taux de satisfaction est inférieur à celui observé chez des professionnels indépendants (70 % sont tout à fait satisfaits chez les boulangers traditionnels, contre 50 % pour les chaînes).
Savoir-faire et faire-savoir
L’information au sujet des produits vendus a progressé au cours des 20 dernières années : à présent, plus d’un Français sur deux (56 %) estime recevoir un éclairage suffisant sur la composition des gourmandises (pains, viennoiseries…), avec des conseils de consommation adaptés (53 %). L’évolution est notable, avec un gain de près de 15 % d’opinion favorable sur ces sujets, laissant cependant l’aspect nutritionnel à la traîne, n’atteignant que 41 % de consommateurs satisfaits.
Le pain est de moins en moins perçu comme la base d’une alimentation équilibrée : les personnes interrogées ne sont plus que 66 % à considérer l’aliment comme important à cet égard (contre 88 % en 2005). Malgré les efforts de pédagogie, 36 % des panivores ont réduit leur consommation de pain sur ces cinq dernières années, avec des résultats étonnants si l’on se penche sur les évolutions par tranche d’âge : ce sont en effet les plus de 35 ans qui se sont le plus fortement détournés des produits de panification, avec notamment une réduction de consommation affirmée par 43 % des 35-49 ans. À l’inverse, les plus jeunes (18-24 ans et 25-34 ans), que l’on pensait peu intéressés par le pain, se distinguent : 26 % des 25-34 ans déclarent en consommer plus… soit le double de la moyenne globale (12 %).
La montée en puissance du snacking sur ces tranches d’âge, avec la forte présence de buns, pains plats et autres spécialités moelleuses comme base, justifie en partie cette bonne surprise. L’intérêt porté par les nouvelles générations pour des produits plus sains, mettant en œuvre des farines issues de filières vertueuses ainsi qu’un travail à base de longues fermentations et de levain naturel, est également un vecteur de rebond pour la consommation… même s’il impose de nouvelles exigences aux professionnels, et notamment une capacité à mettre en œuvre des recettes nécessitant un savoir-faire plus pointu, ce qui peut s’avérer complexe en l’absence de personnel qualifié.
Une amélioration de la qualité peu perçue par les consommateurs
Ce public exigeant ne manque pas de faire savoir que la qualité du pain ne s’est pas suffisamment améliorée, et ce afin d’être en phase avec ses attentes renouvelées : en 2005, 51 % des Français considéraient que des progrès avaient été réalisés sur les nombreux produits d’une boulangerie. Ils ne sont plus que 44 % aujourd’hui, alors même que la filière a multiplié les initiatives pour démontrer ses engagements, avec le développement de nombreux labels qualité. Un constat qui incite à accentuer les efforts de pédagogie et de transparence sur l’engagement du boulanger et de ses fournisseurs, tout en mettant l’accent sur des leviers de progrès durable tels que les atouts nutritionnels des pains ou le soin porté à la sélection des matières premières, avec la participation active au maintien de la souveraineté alimentaire du pays.
Encourager les jeunes à se tourner vers les métiers de la gourmandise
Malgré un attachement au produit qui tend à se déliter, 79 % des personnes interrogées de plus de 40 ans seraient prêtes à encourager leurs enfants à s’engager dans le métier de boulanger s’ils exprimaient un souhait en ce sens. L’enthousiasme est un peu moins marqué qu’en 2005, où ils étaient 42 % à être tout à fait disposés à agir ainsi, contre 27 % à présent, ce qui peut s’expliquer par le poids toujours plus lourd des inconvénients du métier (horaires, conditions de travail…) compte tenu du rapport au travail en pleine évolution.
Ces déclarations prennent corps dans le niveau record d’apprentis observés entre 2021 et 2021 en boulangerie : ils étaient 31 370 à poursuivre ce cursus sur la période, faisant de la filière la première contributrice à la formation d’apprentis au sein du secteur artisanal… même si les difficultés de recrutement demeurent prégnantes, témoignant d’une déperdition au terme de la formation initiale. Un tel état des lieux est précieux pour mesurer les défis que devront relever les artisans boulangers dans les années à venir : si les Français y restent attachés, ils devront redoubler d’efforts pour conserver leur fidélité et répondre à l’appétit croissant en matière de qualité (sur l’ensemble des aspects de la prestation), de transparence et de suivi des tendances de consommation.
Plus que jamais, un savant équilibre entre tradition et innovation doit s’imposer, tout en conservant l’ADN d’une boulangerie : le pain et les produits associés devront y rester fondamentaux, demeurant les produits les plus appréciés (à hauteur de 85 % pour le pain et 60 % pour la viennoiserie, contre seulement 7 % pour le snacking).