Consommation
Le début d’une nouvelle ère glaciaire
Des gourmandises plus fraîches, légères et aux compositions limpides : les attentes des consommateurs vis-à-vis de l’offre sucrée sont aussi nombreuses que difficiles à concilier en production. Si on lui connaissait un caractère traditionnellement saisonnier, la glacerie pourrait contribuer à répondre à ces impératifs avec des pâtisseries créatives, mais aussi des crèmes glacées ou sorbets naturels, libérés des additifs longtemps employés dans ces recettes onctueuses.
La France est le premier producteur européen de glaces en valeur, devant l’Italie (source Xerfi, 2020). Une position à placer au crédit des industriels du secteur, qui ont multiplié les innovations afin de développer le marché : en grande distribution, le chiffre d’affaires des ventes a progressé en moyenne de 2,9 % par an sur 10 ans, ce qui fait de la glace le rayon le plus dynamique des produits de grande consommation (PGC). En artisanat, le produit est appelé à compléter l’offre plus massivement qu’aujourd’hui : non seulement les périodes de chaleur sont plus longues et nombreuses, mais de nouvelles techniques permettent d’ouvrir les produits glacés à l’ensemble des professionnels, y compris à ceux ne souhaitant ou ne pouvant pas s’équiper de turbine à glace, jusqu’alors indispensable.
Vers une accélération de la transformation des recettes, avec suppression des additifs
En 2021, le secteur de la glacerie a été grandement affecté par des rappels en série, liés à la présence de résidus d’un produit chimique, l’oxyde d’éthylène, à des taux nettement supérieurs à la limite fixée par la loi. Cette contamination concernait les stabilisants fréquemment utilisés dans la profession, à l’image de la farine de caroube. Cela a renforcé la nécessité de se défaire des additifs qui peuplent de nombreuses compositions glacées : gommes (guar ou xanthane), carraghénanes, mono et diglycérides d’acides gras… autant d’ingrédients que les consommateurs sont de moins en moins enclins à accepter dans les listes d’ingrédients, qu’ils scrutent en permanence.
Christophe Domange, chef pâtissier formateur au sein de l’École Valrhona, s’est penché sur la question :
« Nous sommes en mesure de réduire les taux de matières grasses et de remplacer une partie des stabilisants en employant la méthode de l’empesage, avec l’utilisation de l’amidon de riz gluant, qui est un ingrédient natif (et n’est donc pas considéré comme un additif, NDLR), additionné à du lait écrémé ou à de l’eau. On obtient alors des textures naturellement crémeuses. C’est en définitive un retour aux sources : en consultant des ouvrages anciens, on constate que c’était une pratique courante il y a plusieurs dizaines d’années ! Nous la complétons de toute la maîtrise technologique moderne, en remplaçant notamment les émulsifiants par des ingrédients tels que des fibres d’agrumes. »
Des pâtisseries glacées efficaces et savoureuses, à réaliser toute l’année
En plus de ce travail de reformulation, les formateurs de l’École Valrhona ont souhaité offrir aux professionnels une nouvelle approche du dessert glacé. Là encore, Christophe Domange, champion du Monde de la glace en équipe en 2018, a mené un important travail de recherche : « J’ai voyagé dans plusieurs pays et notamment en Italie pour m’imprégner du savoir-faire glacier développé à l’international. Le semifreddo italien, généralement constitué d’un biscuit et d’un parfait glacé, non turbiné, a été une grande source d’inspiration pour mon travail. » De quoi associer le meilleur des deux mondes, entre techniques françaises et italiennes.
Il développe alors une connaissance poussée des caractéristiques de chaque ingrédient, en fonction de leur origine (un chocolat d’origine Brésil ne réagira pas de la même façon qu’une origine Côte d’Ivoire, leurs beurres de cacao ayant des propriétés différentes, par exemple), tout en maîtrisant l’équilibre entre les différents sucres pour atténuer la sensation sucrée en bouche.
« La connaissance technique que nous développons en glacerie a des applications en pâtisserie ou même en chocolaterie : c’est un progrès collectif qui nous permet de mieux résoudre les problèmes de fabrication quand ils surviennent, et de sortir de l’empirisme qui a longtemps été la norme dans la profession. »
Le résultat est surprenant : mousses glacées, parfaits, crémeux, coulis ou ganaches montées glacées (une innovation de l’École Valrhona !)… autant de préparations qui prennent place dans des millefeuilles, choux, tartes, éclairs : les grands classiques de la pâtisserie française ont été réinterprétés en version glacée, en adaptant les biscuits et composants pour une parfaite conservation.
« Nous avons à cœur de respecter les saisons et de proposer un large éventail de créations pour garnir les vitrines tout au long de l’année. La spécificité de ces gâteaux est qu’ils sont véritablement multifonctions : ils peuvent être stockés en froid négatif pendant plusieurs mois, mais également en froid positif pendant deux à trois jours. Le client peut alors les déguster avec des textures plus souples, sans pour autant qu’ils se liquéfient comme ce serait le cas avec des gâteaux glacés traditionnels. »
Un savoir-faire, qui se partage dans les stages dédiés à la glace au sein des écoles Valrhona de Paris ou Tain l’Hermitage.