PRODUCTION
Face à la crise, les énergies alternatives séduisent
La crise énergétique actuelle pourrait-elle faire émerger, ou réapparaître, d'autres modes d'alimentation dans les fournils ? Au delà de la question, c'est un écosystème et des entreprises qui se positionnent aujourd'hui afin de proposer des alternatives crédibles et adaptées aux besoins spécifiques des artisans boulangers.
C'est l'histoire d'un mariage aux nombreuses promesses, remplacées à présent par une cruelle désillusion : la fée électricité s'est invitée massivement en boulangerie-pâtisserie, supplantant les autres énergies pour le poste de cuisson, sujet central d'une production de pains, de viennoiseries et de gâteaux. Flexibilité (avec possibilité de disposer de températures différentes sur chaque étage du four, notamment), disponibilité permanente, bas coût... autant d'atouts qui ont séduit les artisans, jusqu'à ce que les factures deviennent à présent un véritable fardeau pour des entreprises de petite taille, fragilisées par la répétition des crises observées ces dernières années.
Une flamme grandissante pour le bois
Si on pensait la cuisson au bois réservée à quelques amoureux de la tradition boulangère, elle trouve aujourd'hui un regain d'intérêt : non seulement son coût demeure maîtrisé, mais les progrès réalisés sur ce type de four permettent aujourd'hui de disposer d'outils de travail performants. De plus, la qualité du produit fini se trouve améliorée grâce à une cuisson plus douce, moins desséchante, avec une bonne inertie permettant d'obtenir un pain parfaitement cuit à coeur.
Un engouement observé par Virginie et Sylvain Pesce, à la tête de l'entreprise Ephrem depuis 3 ans. Installée depuis plus de 45 ans à Villeneuve dans les Alpes-de-Haute-Provence (04), la manufacture Ephrem fait vivre un savoir-faire unique autour des foyers de cuisson. Grâce à des fours professionnels parfaitement équipés (sole rotative motorisée, boîte à buée...), on obtient des pains brillants, au volume optimal... tout en réalisant d’importantes économies d’énergie : il est possible d’enchaîner trois cuissons sur la même chauffe, grâce à l’importante inertie de l’outil. La chauffe directe réalisée par la flamme, qui pénètre dans le foyer de cuisson, permet d’obtenir l’appellation « Pain cuit au feu de bois ». Au delà de la qualité de l'installation, un tel four devient un marqueur d'identité pour une entreprise et participe à l'image positive développée auprès de la clientèle.
De son côté, la maison FMF, distributrice des fours Llopis, promeut les avantages des équipements à combustion, utilisant le bois ou les pellets. En fonction des besoins et attentes des artisans, la gamme complète proposée par l'entreprise permet de remplacer les fours électriques en associant confort de travail et maîtrise des coûts tout en réduisant son impact environnemental. Fours à tubes annulaires, fours à sole rotative, four maçonné ou même à chariot... les options sont nombreuses et correspondent aux nombreux besoins des artisans, tout en respectant leur identité.
Une filière gaz en pleine évolution
Déjà critiqué pour son caractère fossile, le gaz naturel est devenu un combustible rare du fait de la rupture des chaines d'approvisionnement engendrée par le conflit ukrainien. De plus, son impact environnemental est élevé : extraction, transport, combustion... autant de postes qui sont inhérents à l'utilisation de ce produit, qui demeure une ressource limitée. Pourtant, dans un contexte d'évolution du mix énergétique, il demeure indispensable en complément d'autres sources dites renouvelables et intermittentes comme le solaire ou l'éolien.
Dès lors, dans le cadre d'une production continue comme c'est le cas en boulangerie-pâtisserie, son utilisation n'est pas à proscrire. La production française de gaz naturel va dépasser celle de l'Allemagne, leader du secteur, grâce à un effort inédit de mise en service d'usines de biométhane : chaque année, elles sont deux fois plus nombreuses à être raccordées au réseau, permettant de réduire les difficultés d'approvisionnement et donc à terme le coût de cette énergie.
Le pain pourra-t-il se faire une place au soleil ?
Autre option plus atypique, l'ingénieur en thermique énergétique Arnaud Crétot promeut quant à lui une cuisson à l'énergie... solaire. Son entreprise Néoloco, basée en Normandie, développe une activité de boulangerie et de torréfaction et emploie aujourd'hui 3 salariés. Son expérience est détaillée dans l'ouvrage "La Boulangerie Solaire - Un exemple pour un avenir radieux", à paraître le 14 mars aux Editions Terre Vivante. Au delà de l'aspect purement technique, c'est en réalité une profonde remise en question organisationnelle que propose l'auteur-entrepreneur, abandonnant la logique d'une production continue pour s'adapter à une énergie intermittente. Une approche "low-tech" dont l'ambition est de défendre la relocalisation des ressources et une approche durable de la boulangerie, permettant de fabriquer du pain en dehors d'une logique de flux tendu et pour encore longtemps.