Environnement
RSE : quelle est la place de la boulangerie dans la société ?
Par leur proximité avec l’humain et la matière première, les experts du pain ont longtemps développé une démarche où les approvisionnements locaux, la transmission du savoir-faire ou encore la lutte contre le gaspillage étaient des évidences. Depuis, la filière a muté : la logique économique a pris le pas sur de nombreuses valeurs, incitant les boulangers-pâtissiers à développer leurs entreprises sans toujours mesurer les conséquences à long terme. L’histoire étant constituée de cycles, c’est à présent un retour en arrière qui s’impose : la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) fixe des caps ambitieux pour chaque acteur de la filière… mais avant tout, elle impose de prendre le chemin d’une cohérence oubliée.
Face à la multitude des transformations à mener – qu’elles soient imposées par le cadre réglementaire ou les attentes sociétales –, les petites et moyennes entreprises (PME) que sont les boulangeries-pâtisseries ont un rôle à jouer. Sur le plan environnemental tout d’abord, cela peut devenir une véritable motivation pour créer sa structure.
Une étude baptisée « Les entrepreneurs et la transition écologique », publiée en septembre par l’Adie et basée sur 1 400 réponses, révèle que 6 créateurs d’entreprise sur 10 s’inscrivent dans cette dynamique. Mieux, ils sont 9 sur 10 à considérer qu’ils ont un rôle à jouer dans la transition en cours au sein de la société… pourtant, au moment d’agir, ils sont rattrapés par un contexte difficile : 50 % seulement des entreprises déploient ainsi des actions concrètes au service du climat et du respect des ressources naturelles, principalement pour des raisons économiques (à hauteur de 60,3 %).
Passer le cap de l’envie ou de la sensibilité pour se positionner sur le terrain de l’action impose de mener des choix toujours plus éclairés et d’œuvrer sur l’ensemble des périmètres au sein desquels l’entreprise peut avoir un impact : l’amont (fournisseurs, transport…), l’activité même de la structure et enfin l’aval, représenté par la vie des produits chez les consommateurs ou la gestion des invendus.
Pour chacun de ces sujets, c’est un changement profond de doctrine qui s’impose : la performance économique voit sa suprématie remise en question, entourée désormais par la nécessité d’agir de façon durable. Ainsi, les réalités physiques – telles que le dérèglement climatique ou les limites planétaires – et les problématiques sociales – se traduisant par des inégalités croissantes – sont de plus en plus perçues par la société dans sa globalité.
Plus qu’un enjeu de responsabilité, un impératif pour s’affirmer au sein d’un marché concurrentiel
Une entreprise n’agissant pas sur ces sujets finira par être déclassée car perçue en décalage avec les attentes de l’époque. Bien loin du secteur de l’artisanat, ce sont les grands groupes français et internationaux qui intégrent le sujet dans leur stratégie : définition d’une « mission » ou d’une « raison d’être » d’entreprise, transformation du mode de pilotage pour intégrer les dimensions RSE… bien loin d’une position attentiste, ces structures, positionnées sur de multiples secteurs d’activité, adoptent une logique d’anticipation.
Dès lors qu’il s’agit de structures de petite ou moyenne taille, l’idée même de définir de tels concepts et démarches peut sembler déconnectée de toute réalité terrain : il faut alors se rappeler de la mission originelle d’un boulanger-pâtissier, qui est de nourrir sainement, avec des produits accessibles, sa clientèle.
Prendre le parti de transformer ses pratiques pour adopter une démarche RSE globale, c’est en effet assurer la résilience de ses activités face à des aléas climatiques ou à des problèmes sanitaires tels que ceux traversés lors de la pandémie de Covid-19.
Fédérer les femmes et les hommes pour porter une vision engagée de la profession
Cependant, considérer que la transition écologique prime sur les évolutions à engager en boulangerie-pâtisserie pourrait être une erreur fatale : pour impulser un mouvement collectif et durable, il est indispensable de commencer par le sujet des conditions de travail et du dialogue au sein de l’entreprise.
Début juin, l’étude sur l'attractivité des métiers et la fidélisation des salariés menée par l'Observatoire des métiers de l'alimentation en détail mettait en lumière que, aussi bien du côté des employeurs (87 % des sondés) que des salariés (77 %), l'ambiance de travail est considérée comme le facteur prépondérant pour la durabilité d'une relation professionnelle.
Chez les collaborateurs, cette vision est accompagnée de la nécessité (pour 60 % des personnes interrogées) d'entretenir un dialogue de qualité avec le chef d’entreprise. Cela fait écho aux 17 objectifs de développement durable définis par l’ONU d’ici à 2030 : les défis de notre époque doivent être traités de façon globale pour imaginer un meilleur avenir pour tous.
Pauvreté, inégalités, climat, dégradation de l’environnement, prospérité, paix, justice… autant de sujets sur lesquels les actions sont interconnectées, assurant à chacun une meilleure intégration et la capacité de vivre décemment, dans un cadre de vie et de travail préservé. La boulangerie-pâtisserie a un rôle à jouer dans cette démarche : elle doit désormais s’y inscrire… un pain après l’autre.