FILIERE
Comment assurer la pérennité de la meunerie française ?
180 euros le MWh : c'est le seuil au dessus duquel l'Association de la Meunerie Française (ANMF) estime que la rentabilité des entreprises qu'elle représente est remise en question... soit bien en deçà du niveau de prix actuel, y compris en prenant en compte les aides développées par l'Etat, auxquelles plusieurs acteurs meuniers ne sont pas éligibles.
Les craintes exprimées depuis plusieurs semaines par de multiples entreprises du secteur sont résumées dans la lettre d'information diffusée par l'ANMF, laquelle traite de l'environnement économique de la meunerie. Elle décrit en effet une situation tendue et pouvant aboutir à la défaillance de meuniers déjà fragiles : privés de marges et donc de rentabilité, ils ne seraient plus en mesure de contribuer à l'effort de souveraineté alimentaire du pays, devenu pourtant un véritable enjeu sociétal et politique.
Un partage de la valeur déséquilibré
Alors que l'inflation a atteint 12% sur les produtis alimentaires entre novembre 2021 et novembre 2022, elle a été deux fois moins forte sur le pain : avec seulement 6% de hausse, cet aliment de base a peu contribué à redonner de la vigueur à une filière bouleversée par des coûts de production sans cesse plus élevés. Même si les prix du blé se sont stabilisés depuis l'automne 2022 (tout en se maintenant à un niveau élevé), les céréales ont connu la plus forte hausse de prix de l’ensemble des produits agricoles en 2022 selon l'institut Eurostat. Dans le même temps, les autres postes de coût d'une entreprise de meunerie se sont également renforcés : +8% sur les emballages entre janvier 2022 et novembre 2022, +40% sur le gasoil entre septembre 2021 et septembre 2022... sans compter les indispensables hausses de salaires à réaliser pour répondre à l'inflation, augmentant de fait le poids de la masse salariale.
Si les prix de farine ont progressé sur l'ensemble des marchés, avec notamment une hausse de 31% pour la boulangerie artisanale, cette dynamique s'est arrêtée à partir de juillet 2022, alors même que les autres éléments composant ces tarifs ont continué à progresser sur la fin d'année. Cela témoigne des difficultés rencontrées pour répercuter ces hausses auprès des clients, de par les difficultés rencontrées au sein de leurs activités et d'une volonté de préserver les relations entretenues avec les transformateurs finaux.
La situation de chaque acteur de la filière meunière dépend notamment de leur achat de blé : pour les moulins ne s'étant pas totalement couverts avant le mois de décembre, la baisse observée sur les cours va relâcher partiellement la tension. Pour autant, faute d'aides supplémentaires sur le volet énergétique, les prix de farine pourraient s'envoler : selon les simulations réalisées par l'ANMF, une hausse du prix de l’électricité de 200€/MWh engendrerait une hausse du coût de production de 21,9€ par tonne de farine.
Plafonner le prix de l'électricité pour rétablir une situation sereine et une saine concurrence
Dès lors, l'association et ses représentants, dont le président Jean-François Loiseau, renouvellent leur demande de voir le prix de l'électricité plafonné à 180€/MWh pour préserver le secteur et la production de farine en France. La situation actuelle perturbe grandement la concurrence entre les opérateurs, ces derniers n'étant pas touchés de la même façon par la crise selon leur éligibilité ou non aux aides, les tarifs souscrits ou encore la date de renouvellement de leur contrat. En l'absence d'une intervention rapide et efficace, le secteur pourrait ralentir considérablement ses investissements et recourir à l'emprunt, ce qui contribuerait à réduire durablement sa compétitivité... élément pourtant indispensable à un secteur qui contribue à la balance commerciale du pays, avec un savoir-faire mondialement reconnu.