Filière blé-farine-pain
Meunier, tu dors ?
Un acteur important de la filière blé-farine-pain a été sous les projecteurs au premier semestre avec l’invasion du « grenier à blé de l’Europe », l’Ukraine. C’est oublier que la France peut, elle aussi, suivant les années, revendiquer ce titre. Nous ne sommes pas l’éternel Poulidor de la production de blé ! Historiquement, nous sommes d’ailleurs le premier exportateur européen. Cela étant, la consommation de blé tendre de la France est très largement satisfaite par la production nationale.
Comme évoqué dans mon article précédent, ce n’est pas le prix du blé ou de la farine qui impacte le plus le prix de revient du pain. Pour répondre à la forte augmentation des charges de production, la clientèle des boulangeries a accepté un ajustement de 5 à 10 centimes du prix de la baguette ces derniers mois. Mais qu’en est-il pour le principal fournisseur du boulanger, le meunier ? Les moulins sont eux aussi sous pression !
En effet, les fluctuations importantes du prix du blé en amont et en aval des récoltes mettent sous tension l’approvisionnement de cette matière première essentielle à l’activité du meunier. Si notre production nationale est autosuffisante, la meunerie a maintenu son sourcing national et local, et ce, dans une logique de juste rémunération du céréalier ou de la coopérative.
Nous sommes loin du schéma des graines de moutarde importées du Canada et transformées en Bourgogne. Dans la filière blé-farine-pain, il me semble important de rappeler le savoir-faire meunier. Celui-ci sélectionne les meilleurs blés, contrôle la qualité des grains, les trie, les nettoie, les sèche, les stocke afin de réaliser le bon assemblage des variétés pour, enfin, les broyer et les transformer en farine.
Alors non, le meunier ne dort pas, même si le vent va trop fort ! Les dieux Éole et Potamoi ont été progressivement remplacés par les découvertes de Lavoisier et Lebon pour le gaz, puis de Nikola Tesla pour la fée électricité. L’énergie est un poste de charge incontournable pour le fonctionnement d’un moulin, sans commune mesure avec celui d’un fournil.
Toujours sur le plan énergétique, si certaines boulangeries se sont mises au « clic & collect », qu’en est-il pour le meunier ? À l’instar de la grande distribution, est-il en mesure de proposer un drive ? A-t-il la possibilité de choisir une plateforme de livraison à domicile ? Imaginez l’impact du carburant sur le prix de revient !
Deux orientations stratégiques
Le meunier n’est pas un fournisseur comme les autres, c’est LE partenaire du boulanger ! C’est un acteur majeur de la filière blé-farine-pain qui n’en reste pas moins un chef d’entreprise. Dans son métier qui est de produire et de distribuer de la farine, deux orientations stratégiques s’offrent au meunier :
▶La concentration horizontale où des entreprises d’un même secteur d’activité sont rachetées pour offrir des farines avec ou sans label, bio ou non, à base de légumineuses ou pas, etc. La raison d’être d’un meunier est bien de moudre pour distribuer.
Je suis toujours surpris d’entendre des artisans boulangers reprocher à certains moulins de fournir non seulement des artisans, mais également des industriels, la grande distribution ou des chaînes de boulangerie… Ces mêmes artisans boulangers refuseraient-ils de livrer un restaurant ou une école sous une quelconque pression de leurs clientèles de boutique ? Alors quel est le sens de cette envie d’exclusivité ?
▶La concentration verticale où des entreprises de secteurs d’activités complémentaires sont rachetées dans une logique « du champ au pain ». J’emprunte cette terminologie à la Minoterie Girardeau qui en a fait le thème de sa journée du 13 juin dernier. Dans notre filière blé-farine-pain, le Groupe Invivo pourrait devenir l’exemple type de la concentration verticale « du champ au pain ».
En effet, radio pétrin sous-entend que ce groupe, après « Frais d’ici » où le pain est déjà présent, serait en quête d’un réseau de boulangeries. Je rappelle qu’en 2021, l’union des 192 coopératives Invivo a déjà fait l’acquisition du Groupe Soufflet. Qu’ils livrent de moins de 40 000 à plus de 200 000 tonnes de farine, TOUS les meuniers sont essentiels à la filière. Alors écrivons tous « des lettres de mon moulin » !