BON ET BIEN
La transparence totale, un engagement au service des clients
La chaine alimentaire est aujourd'hui constituée de nombreuses zones d'ombres, jusqu'alors inaccessibles pour les transformateurs finaux et donc pour leurs clients : variétés de grains, origines et caractéristiques techniques précises de chaque matière première, ... le nombre important d'intermédiaires a pour effet de limiter la visibilité.
Dès lors, les artisans sont de plus en plus nombreux à choisir de s'en passer et de concentrer les savoir-faire pour offrir une transparence totale en boutique.
En boulangerie, les paysans-boulangers sont l'exemple ultime et sans doute le plus reconnu de cette pratique, avec une maîtrise totale de la chaine de valeur : ils cultivent, écrasent et transforment le grain au sein de leur exploitation. On compte parmi eux des pionniers tels que Nicolas Supiot, Roland Feuillas, Emmanuel Vandame, ... rejoints depuis par de nouvelles générations tels que les frères Adrien et Benjamin Pelletier sur la Ferme d'Orvilliers (28), Thierry Seren à Martigues (13) ou encore Henri de Pazzis avec son projet Terre et Blé à Saint-Rémy de Provence (13).
Pour autant, d'autres voies sont possibles sans pour autant devoir avoir les pieds dans les champs : cette approche est développée par ces nouveaux "meuniers-boulangers" qui transforment en boutique ou dans leur atelier les grains achetés auprès d'agriculteurs partenaires. Cela leur permet de transformer une farine fraiche, plus riche en nutriments, et de maîtriser précisément la réalité de leur matière première. Les constructeurs de moulins tels qu'Astreïa ou Alma Pro ont bien compris le potentiel de ce marché et proposent aujourd'hui de véritables "moulins de magasin", au visuel agréable et permettant une mise en avant du procédé de mouture sur meule de pierre. Particulièrement compactes, ces unités de production exigent un investissement plus limité sans transiger sur la qualité du produit fini.
La Boulangerie Olivero Ravel à Bédoin (84) en a ainsi fait son élément distinctif, tout comme le projet locavore de Bruno Mondet, Epis et Pains, à Chavenay (78). En plus de faire vivre une filière en circuit court en plein coeur de la plaine de Versailles, ce néo-boulanger signe ici un véritable "retour aux sources" particulièrement réussi, avec des pains au levain naturel cuits au four à bois.
A Marseille (13), le boulanger Pierre Ragot a lui aussi fait son chemin vers un pain toujours plus naturel : ce parisien d'origine a épousé sa compagne Lisa autant que la région sudiste, tout en se détournant progressivement de la boulangerie conventionnelle dont il était issu. Sa Maison Saint-Honoré a grandi en nombre de boutiques -elle en compte aujourd'hui 3 dans la cité phocéenne- et en engagement, jusqu'à écraser du blé de variétés paysannes dans son laboratoire. Une belle réussite pour ce véritable pionniers marseillais du pain au levain naturel, qui tranchait alors très nettement de l'offre locale.
Autre produit issu de la fermentation, le chocolat mène également sa révolution avec le développement du "bean-to-bar" : en allant de la fève à la tablette, les artisans chocolatiers peuvent se distinguer par ses arômes singuliers et une véritable signature en terme de torréfaction ou de conchage. Les équipements, jusqu'alors réservés aux industriels et donc conçus pour d'importantes quantités, sont à présent plus accessibles et permettent à un nombre croissant de professionnels de s'inscrire dans cette démarche. Parmi les derniers en date, le chocolatier embrunais Luc Eyriey a installé au sein de sa boutique l'ensemble des machines lui permettant de fabriquer ses couvertures. Il rejoint des professionnels tels que Vincent Guerlais, Vincent Vallée, Julien Dechenaud, Alain Ducasse, Richard Sève... dans la démarche. Cette transparence totale est le meilleur témoignage pour sa clientèle de l'engagement de l'artisan, qui souhaite développer une logique de transmission pour son entreprise : en s'inscrivant dans les nouvelles tendances du métier, il laissera un outil et des pratiques modernes à la nouvelle génération, en plus d'un savoir-faire unique, riche de valeurs et de sens.
Toujours dans le domaine du sucré, les pâtissiers suivent les traces de leurs confrères cuisiniers, lesquels ont entâmé leur retour à la terre depuis plusieurs années : plusieurs d'entre eux se rapprochent de producteurs et créent de véritables filières vertueuses pour s'approvisionner en fruits. La pâtissière parisienne Claire Damon (des Gâteaux et du Pain) a fait de cette pratique sa signature, en travaillant au plus près de la matière première, qu'elle met en valeur au travers de créations saisonnières et intensément parfumées. Pommes et poires des Vergers des Pays de Loire, Agrumes de Corse, Châtaigne d'Ardèche, Amandes de Provence... chaque produit a une histoire.
En bâtissant de tels projets, les artisans peuvent développer une transparence vertueuse : ils sont en mesure de raconter de belles et vraies histoires à leurs clients, qui en sont particulièrement demandeurs. La qualité intrinsèque et ressentie des produits en est accrue... pour des entreprises durables, aussi bien économiquement que sur le plan économique et environnemental.