INFLATION
Vers une réduction de l'offre en pâtisserie ?
Des produits coûteux à fabriquer et à vendre, c'est ainsi que l'on pourrait résumer la situation actuelle de l'offre sucrée, qui subit de plein fouet les répercussions des crises traversées au cours des deux dernières années. Les matières premières (beurre, crème, oeufs, lait, sucre...) ne cessent de voir leur prix augmenter, tandis que l'énergie nécessaire pour transformer puis stocker les pâtisseries est devenue extrèmement coûteuse. Un tel contexte remet en question la construction de cette offre au sein d'une boulangerie, voire même la nécessité de sa présence.
Si le modèle de boulangerie-pâtisserie est resté prédominant ces dernières années, l'environnement commercial a quant à lui beaucoup évolué. Un phénomène de fragmentation de la consommation est en marche, avec notamment la naissance de nouveaux spécialistes du frais. Ainsi, l'idée d'être un "multi-spécialiste" s'est affaiblie, et c'est encore plus le cas pour la position de généraliste qu'occupait la grande distribution traditionnelle. Peu à peu, les habitudes s'installent et la fidélité des clients se délite, ces derniers n'hésitant pas à multiplier les lieux de consommation, ce qui réduit les paniers et les volumes pour chaque entreprise. Cette fragmentation marque également un fossé toujours plus grand entre les segments d'offre, avec une montée en puissance de chaque extrémité du spectre : l'entrée et le haut de gamme se développent, tandis que l'offre intermédiaire se trouve bien plus chahutée. Une polarisation de la société, aboutissant à une alimentation des riches et à une alimentation des pauvres, aurait de nombreuses conséquences durables, autant sur le système de santé que pour de nombreuses entreprises.
De façon encore marginale, de nouveaux modèles de boulangerie apparaissent, avec des gammes resserées et souvent une absence de pâtisserie, si ce n'est quelques références ne nécessitant pas de stockage au froid (cakes, biscuits, tartes cuites, etc.). Ce recentrage sur l'essentiel accroît la lisibilité du discours auprès du client, qui identifie plus clairement la légitimité de l'artisan sur les produits de panification. Une approche développée très tôt par le Meilleur Ouvrier de France boulanger Richard Ruan, qui a fait le choix dès son installation en 2008 de ne proposer que du pain, de la viennoiserie et des gâteaux de voyage au sein de sa Boulangerie des Carmes à Angers (49).
Cette logique qui prend aujourd'hui un nouveau sens : en se déchargeant des équipements de froid négatif nécessaires à la réalisation de nombreuses pâtisseries (entremets en tête) et d'une vitrine réfrigérée en boutique, les artisans pourraient réaliser d'importantes économies... tout en limitant les difficultés de recrutement et les problématiques liées à la hausse des matières premières, les recettes plus simples étant également génératrices d'une plus forte marge. Le développement de véritables spécialistes du sucré rend ce choix plus évident : avec la mise en avant de la pâtisserie (émissions de TV, réseaux sociaux, ...), une nouvelle génération de professionnels s'installe et propose ainsi une offre aboutie de pâtisseries fines, aussi bien en boutique qu'au travers de modèles sur commande prélable, limitant ainsi l'investissement et le gaspillage alimentaire.
Faire moins mais mieux, en prenant soin de sélectionner ses matières premières, voilà qui pourrait être une réponse pertinente aux défis de la filière artisanale.