TRANSMISSION
Vers une pénurie de repreneurs en boulangerie ?
Des boulangeries à transmettre qui ne trouvent plus d'acquéreur : après un mouvement de fermetures liée aux coûts de l'énergie, c'est une autre vague qui pourrait venir frapper la filière artisanale. Faute de perspectives de reprise, certaines boutiques pourraient ainsi fermer définitivement leurs portes. Il s'agit là du prolongement des difficultés de recrutement éprouvées par les boulangers-pâtissiers depuis de nombreux mois : la filière manque d'attractivité aux yeux de nombreux profils.
Une communication nécessaire pour rassurer
Interrogé par BFM TV sur le sujet, Dominique Anract, président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française (CNBPF) a reconnu que "certaines personnes avaient pu douter de la valorisation de ce métier". Un constat qu'il balaie d'emblée "ce n'est pas le cas" même s'il faudra "mener un grosse communication pour rassurer les parents et aussi les jeunes". Alors que le métier promettait de grandes perspectives aux apprentis souhaitant s'impliquer durablement, la séquence traversée ces derniers mois donne une toute autre image de la conduite d'une entreprise de boulangerie, qui était précédemment perçue comme l'accomplissement d'un parcours professionnel. Sous la pression des charges, de l'augmentation du prix des matières premières ou encore de l'énergie, l'idée ne semble plus profitable ou attirante. Une image qui pourrait également s'imposer à des profils en reconversion professionnelle, qui voyaient dans des métiers manuels une opportunité de s'accomplir au contact de la matière et de la clientèle : la médiatisation de la crise vécue par les boulangers aura sans doute mis à mal de nombreuses vélléités de réorientation.
Dans le même temps, l'accès au crédit bancaire est devenu plus complexe pour les nouveaux entrants : les fragilités du secteur ont été scrutées par les prêteurs et les garanties demandées aux acquérants sont nombreuses. Si de nombreux meuniers participaient historiquement aux mutations en prêtant de l'argent aux boulangers, la contraction de leurs marges leur impose une plus grande rigueur dans l'attribution des fonds... d'autant que les fermetures observées ces derniers mois sont synonymes, dans certains cas, de créances irrécouvrables. Une raison supplémentaire pour appuyer sur le frein quant à la pratique des "prêts meuniers". Dès lors, plusieurs porteurs de projet se sont tournés vers les internautes pour financer leur projet : le "crowdfunding", qui semblait jusqu'alors bien éloigné de l'univers de la boulangerie artisanale, s'est invité dans les pratiques du milieu. Madame Pain, Les Miscellanées, L'ami du pain, La boulangerie itinérante... autant de structures qui ont reçu l'appui du financement participatif.
Les prix de vente des fonds de commerce demeure élevé, même si une légère baisse a été observée. Ainsi, sur le marché francilien, "de nombreuses entreprises sont en vente" témoignait récemment un acteur majeur du secteur.
Vers une accélération de la mutation du paysage boulanger français
Une telle situation pourrait participer à accélérer la structuration du marché de la boulangerie sur le territoire français : les emplacements les plus en vue seront acquis par des entrepreneurs possédant plusieurs fonds de commerce, grâce à des moyens plus importants et une meilleure crédibilité auprès du secteur bancaire. Pour de petites affaires, moins visibles et déjà fragiles, l'avenir s'assombrit autant que les perspectives de maintien de la diversité du paysage boulanger. Une transformation qui n'est pas sans générer des craintes chez les meuniers engagés aux côtés des artisans "Si demain notre clientèle est constituée d'entreprises comptant entre 10 et 30 points de ventes, la relation sera bien différente" prévoit l'un entre eux, anticipant des rapports de force plus complexes et une tension palpable sur les prix.