Le levain revient en force
Qu’en pense un expert ?
Entretien avec Denis Fatet, coordinateur-formateur boulangerie à l’INBP de Rouen.
Dans sa communication autour du prochain Salon 2020, Europain évoque le come-back du levain. Qu’en pensez-vous ?
Denis Fatet : À l’INBP, on n’a jamais cessé d’enseigner les fabrications au levain dans nos fournils pédagogiques, et on a toujours abordé ce vaste sujet dans nos cours de technologie, y compris avec les adultes qui découvrent le métier et qui préparent un CAP dans une optique de reconversion professionnelle. Le levain a toujours été travaillé avec intérêt. C’est, par excellence, un thème qui passionne et qui s’inscrit dans les fondamentaux de notre métier.
Pourquoi parle-t-on de retour ?
D. F. : On ne dispose pas de statistiques en la matière. Combien de boulangers travaillent à partir de levain ? Peut-être peut-on dire que ce qui se joue actuellement se situe sur deux plans. Tout d’abord, les nouvelles générations auraient tendance à se réapproprier des pratiques et des usages classiques de nos métiers, tout en les retravaillant à leur manière, en jouant sur les visuels. Il y a une volonté de personnaliser sa production, de la signer tant au niveau du goût que de l’apparence. Ensuite, il existe un emballement, notamment sur les réseaux sociaux, autour de l’univers food, et la boulangerie y prend sa place. Instagram, entre autres, donne à voir de nombreux produits. Les pains au levain trouvent un nouveau souffle au niveau de la communication, portée notamment par des artisans de plus en plus connectés.
Que permet le levain ?
D. F. : C’est une méthode de préfermentation très simple au niveau de sa composition. On peut le faire à partir de farines, de fruits. Cela permet d’obtenir une palette de saveurs très large et complexe. Selon la façon dont on le travaille, on obtient des pains et des viennoiseries plus ou moins typés, aux saveurs plus ou moins acidulées, jusqu’à des arômes délicats et subtils.
Peut-on évaluer le professionnalisme d’un boulanger à la qualité de son pain au levain ?
D. F. : Je ne le formulerai pas de cette façon. En revanche, un boulanger qui s’intéresse à la préfermentation au levain s’intéresse aussi à l’ensemble du processus de fabrication. Il accorde de l’importance à tous les temps de fermentation et de repos. Il vise une bonne conservation du produit et une qualité à la dégustation. En se penchant de nouveau sur le levain, on réinterroge ses pratiques. Cela donne envie de faire des essais et de mettre au point la recette qui nous correspond le mieux et qui, surtout, plaira au plus grand nombre, côté magasin.
Quelles sont les tendances levain aujourd’hui ?
D. F. : Il semblerait qu’il y ait aussi un regain d’intérêt pour les céréales anciennes. On combine, par exemple, le levain avec le petit épeautre. Son association avec des graines, quelles qu’elles soient, devient un classique. Le levain fait bon ménage avec les farines de culture biologique, les labellisées. Naturalité, santé, qualité du blé, circuit court, fabrication artisanale, nutrition… le travail au levain s’inscrit naturellement dans ce courant qui parle aux consommateurs. Cette opportunité commerciale permet, en plus, de mettre en lumière notre savoir-faire.
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