COMMERCE
Quelles limites pour la digitalisation de l'expérience de vente en boulangerie ?
Le digital d'abord, l'humain ensuite. Désormais, pour acheter une glace chez Amorino, une célèbre enseigne de glacerie aux inspirations italiennes, les clients doivent s'adresser à une borne de commande. C'est seulement une fois leur choix réalisé qu'ils pourront échanger avec un humain afin de composer leurs cornets, pots et autres gourmandises glacées proposées par le réseau, qui compte plus de 200 boutiques, dont 85 en France. Un parcours digitalisé directement inspiré des enseignes de restauration rapide, où le déploiement de ces outils s'est accéléré au cours des cinq dernières années. Pour autant, le client est-il enclin à accepter un tel dispositif au sein des commerces de proximité ? La question se pose dans des espaces de vente de petite taille, où la déshumanisation induite par ces choix stratégiques pourrait avoir des effets de bord à long terme sur l'attractivité des entreprises les mettant en oeuvre.
Des résultats probants sur les indicateurs économiques
Pour le moment, rien de tel à l'horizon pour le glacier et ses franchisés : les capacités des machines à mener systématiquement les actions de vente additionnelles, générant un accroissement du chiffre d'affaires, et à limiter la masse salariale des points de vente sont salués. Des retours en phase avec les promesses des entreprises commercialisant les dits outils... et sans doute de quoi inspirer d'autres enseignes à suivre le mouvement, encouragées par l'expérience d'un leader. Peut-on envisager un mouvement similaire en boulangerie artisanale ? Pour l'heure, le déploiement des bornes de commande y demeure limité, avec notamment des expérimentations menées par des réseaux tels que Ange, au sein de la boulangerie pilote adossée à son siège social d'Aix-en-Provence (13), ou des installations chez divers artisans indépendants tels que Jocelyn Lohézic à Paris 17è.
L'investissement nécessaire s'avère en effet rapidement élevé : compte tenu du temps de transaction plus long qu'avec un équipier de vente classique, il est souvent nécessaire d'installer deux bornes pour gérer le flux de manière efficace. De plus, ces bornes sont généralement plébiscitées pour absorber les pics d'affluence observés au déjeuner, ce qui implique d'avoir une forte activité de snacking avec un agencement de magasin pensé en conséquence.
La relation client, un élément majeur de la prestation d'un commerce de proximité
Au delà des considérations économiques, l'image que renvoie un commerce profondément ancré dans le quotidien des Français est un élément fondamental : 22% des consommateurs se rendent en boulangerie tous les jours (source American Express/Statista) et ils ne viennent pas y chercher uniquement du pain ou quelques douceurs... mais également un sourire, quelques mots agréables et un conseil personnalisé. Même si le client est de plus en plus "omnicanal", n'hésitant pas à chercher des informations sur internet avant un acte d'achat en magasin ou bien à utiliser des outils de click and collect, la qualité de la relation entretenue au sein du lieu de vente est plus que jamais primordiale. C'est en effet un élément majeur de la prestation offerte par un artisan à son client, au même titre que le produit. Dès lors, peut-on durablement le confier à une machine, quand bien même les performances de cette dernière sont excellentes, grâce à une interface utilisateur soignée ? Avant de l'envisager, des études d'impact et d'image seront nécessaires, aussi bien côté client qu'au sein des équipes de collaborateurs, elles aussi concernées par une telle transition.