Filière durable
Le pain « bas carbone » : un effort de filière déjà engagé
Produire et acheter une baguette de pain sont des actes aussi anodins qu’ancrés dans le quotidien de la filière. Pourtant, ils génèrent tous un bilan carbone, souvent méconnu et négligé. Un constat qui pourrait évoluer grâce à l’engagement collectif de l’ensemble de la filière, allant du champ au fournil en passant par la distribution de la farine. Plusieurs entreprises ont déjà détaillé leur trajectoire visant à créer un pain « bas carbone ».
Pour améliorer l’impact carbone des activités humaines, l’attention est souvent portée sur les sujets du transport et de l’abandon des énergies fossiles. Pourtant, l’alimentation est un levier majeur de progrès : 30 % des émissions de CO2 sont générées par cette dernière.
Au travers de l’étude Vegocracy, menée par le panéliste Kantar auprès de 10.500 personnes dans 7 pays occidentaux, il est possible de prendre une pleine mesure du travail de pédagogie à mener afin de sensibiliser le public à l’impact de ses habitudes alimentaires : 76 % des personnes interrogées considèrent qu’elles sont en mesure d’influer sur leur bilan carbone, mais seulement 12 % décrivent l’alimentation comme le facteur pesant le plus lourd sur leur empreinte carbone.
Des acteurs coopératifs engagés
En connectant l’amont et l’aval au travers de ses acquisitions, InVivo a souhaité construire le « leader des filières durables et pionnier sur les offres bas carbone ». Des champs à l’assiette, Episens peut compter sur l’engagement des agriculteurs membres de l’union de coopératives et sur la démarche Semons du Sens, commencée par le groupe Soufflet.
L’objectif a été annoncé dès la reprise du réseau de boulangeries Louise : proposer rapidement la première « baguette décarbonée » avant d’étendre la proposition à l’ensemble des clients, notamment chez Moulins Soufflet ou Neuhauser.
Du côté d’Axiane, filiale de la coopérative Axéréal, on a choisi d’aborder le sujet de l’empreinte carbone en ciblant en premier lieu les consommateurs finaux. Sa marque Coeur de Blé lance en ce mois de mai « la première farine de blé engagée dans une démarche bas carbone sur le marché de la farine GMS », en format 1 kg.
Les agriculteurs s’engagent sur cinq ans et déploient de nombreuses actions, en privilégiant l’apport de matières organiques naturelles, de même que la culture de légumineuses complémentaires moins énergivores, telles que les lentilles et les pois.
Le couvert végétal entre deux cultures sera également mis en oeuvre afin de maximiser le stockage de carbone dans le sol, accentuant le caractère vertueux des pratiques tout en garantissant la bonne santé des terrains.
Autre acteur coopératif français majeur, Vivescia a également détaillé son plan d’action visant à contribuer à la neutralité carbone d’ici à 2050. Elle ambitionne d’aboutir à une réduction de 25 % de son empreinte carbone sur sa chaîne de valeur (scope 1, 2 et 3, année de référence 2021) à horizon 2030. Les agriculteurs, autant que les métiers de transformation, sont impliqués au travers du programme « Link ».
Comment la meunerie adapte-t-elle sa logistique ?
Une part de l’impact carbone du pain est liée au transport de la farine : chaque année, ce sont des milliers de camions à moteur thermique qui approvisionnent les boulangers. L’Association nationale de la meunerie française (ANMF) travaille en collaboration avec ses membres pour évaluer les solutions les plus performantes disponibles à date, mettant en œuvre l’électricité ou l’hydrogène.
Dans le cadre du programme « Link by GMP », appliquant les engagements du groupe Vivescia à l’activité meunerie, les Grands Moulins de Paris ont récemment mis en production deux camions électriques sur leur site de Gennevilliers (92). Depuis le 2 mai 2023, 2 des 11 tournées du moulin sont ainsi réalisées en camions électriques pour la distribution des artisans situés à Paris intra-muros.
La proximité géographique de l’outil de production démontre ici toute sa pertinence : c’est la logique d’un approvisionnement local qui s’impose pour les boulangers comme pour leurs partenaires : acheter une farine écrasée à proximité, réalisée à partir de grains cultivés dans la région, sera un acte naturel pour l’ensemble de la filière.
L’artisan-boulanger, membre fondamental de la démarche bas-carbone
Dernier maillon de la chaîne avant la transmission au consommateur final, l’artisan boulanger peut également agir au quotidien pour réduire le bilan carbone de son activité.
Cela passe notamment par de bonnes pratiques en matière de gestion de la production : réduction du gaspillage alimentaire par une meilleure maîtrise des quantités, rationalisation des cuissons… tout en questionnant la pertinence des recettes et produits actuels, dont la réalisation se révèle parfois consommatrice de nombreuses ressources : stockage au froid (positif ou négatif), transport entre les différents sites… autant d’actions qui font appel à des équipements ayant, pour chacun, un bilan carbone plus ou moins élevé.
De quoi questionner en profondeur le fonctionnement d’une boulangerie artisanale et son organisation du travail, en s’appuyant notamment sur le travail d’acteurs tels que les Ambassadeurs du pain, qui prônent, avec leur méthode Respectus Panis® un retour vers une panification moins énergivore, mais non moins qualitative. En boutique, c’est le même effort qui s’impose, avec notamment le sujet majeur des emballages à usage unique et la réduction de leur emploi.
Les équipes de vente pourront rejoindre leurs collègues positionnés en production afin de mieux trier et valoriser les déchets, en suivant les préconisations du décret 3R (réduction, réemploi et recyclage) et de la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec).