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Le "joli train de vie" de deux boulangers décrit par Capital n'est pas le standard de la profession
Les boulangers seraient-ils dans une situation bien moins périlleuse que celle qu'ils ont voulu le dépeindre depuis le début de la crise énergétique ? Quelques lignes peuvent suffire pour passer un message à même de semer le doute dans l'opinion publique. Pourtant, parmi les 33 000 boulangeries artisanales, de nombreuses demeurent en difficulté, avec une trésorerie et des marges dégradées. Bien loin de la situation dépeinte par le magazine Capital au sein d'un article paru vendredi 25 août, où Sophie et Hugo, installés à La Rochelle (17), décrivent une exploitation bien moins cahotique qu'attendu.
Le couple, installé depuis quatre ou dix ans selon la section de l'article, a en effet préservé la rentabilité de son entreprise, en menant des hausses de prix limitées (de 10 à 40 centimes selon les produits, excluant la baguette de Tradition, demeurée à 1,10€) et en optimisant leurs achats de matières premières. Ainsi, ils sont parvenus, en changeant de meunier, à obtenir un tarif de 74 euros le quintal de farine, contre 88 fin 2022 avec leur précédent fournisseur. L'histoire ne dit pas si le nouveau partenaire de l'entreprise développe les mêmes engagements en terme d'approvisionnement et de méthodes de travail, et donc si la démarche engagée par Sophie et Hugo n'aurait pas altéré la qualité des produits fabriqués chaque jour dans leur boulangerie. Une question qui se pose tout autant pour les fruits et légumes, pour lesquels le "bon plan" décrit par les entrepreneurs ne détaille pas les origines.
Ainsi, la structure a préservé sa marge brute, atteignant le même niveau que les deux années précédentes, soit 72%, avec un chiffre d'affaires en progression. Cela s'explique par le fait que leurs factures d'énergie ont bien moins progressé que pour la plupart de leurs confrères, passant de 1 200 à 1 800 euros par mois. Avec une puissance électrique souscrite inférieure à 36 kVA, ils sont en effet concernés par le bouclier tarifaire en place jusqu'au 31 décembre 2023. A défaut d'une prolongation du dispositif, leur situation pourrait alors évoluer à cette échéance... d'autant que leur four, fonctionnant au gaz, pourrait également générer d'importantes dépenses si le cours de cette énergie venait à connaître de nouvelles variations.
Au final, le couple parvient à générer 30 000 euros d'épargne chaque année, avec un salaire mensuel de 2 200 euros pour chacun. Comme ils le reconnaissent eux-mêmes, les deux entrepreneurs ont été bien moins impactés par les difficultés rencontrées par la filière ces derniers mois. L'exemple choisi par le magazine se révèle ainsi mal choisi : non seulement de nombreuses boulangeries ont fermé, mais celles qui demeurent en activité subissent de plein fouet les effets d'une inflation durable et galopante : baisse de fréquentation et/ou du panier moyen, explosion des coûts de production, dégradation de la trésorerie... Bien loin du message diffusé ici, où les difficultés en paraîtraient presque exagérées.