Management et collaboration
Former et communiquer en interne
Encore peu présente en boulangerie, la pratique du « micro-learning » est portée par des start-up telles que YOOBIC : grâce à une plateforme de formation mobile et 100 % digitale, les collaborateurs peuvent accéder à des contenus tels que des vidéos, des images, des documents, etc.
Pour aller plus loin dans l’expérience, ils peuvent tester leurs connaissances via des quiz, et obtenir des points et des badges : cet aspect ludique renforce l’engagement des équipes terrain, qu’elles soient positionnées en vente ou en production. L’outil permet également une communication fluide entre l’ensemble des salariés et le management.
Changer d’approche vis-à-vis du management
Pour reconnecter les chefs d’entreprise à leurs équipes, une transformation du management dans la profession apparaît indispensable à Domitille Flichy, fondatrice de Farinez’Vous, une enseigne parisienne de boulangerie artisanale, durable et solidaire. « L’idée selon laquelle on est un manager né ou qu’on ne l’est pas est problématique : cela revient à considérer que l’inné est majoritaire sur ce sujet… alors qu’il est possible d’apprendre et de progresser. »
Au travers de ses trois boulangeries, dont la première est née en 2009, l’entrepreneuse est parvenue à démontrer que l’on pouvait bâtir des fournils inclusifs, devenant des lieux d’échange et d’ouverture : « Je n’étais pas issue du secteur de la boulangerie, cela m’a permis d’entretenir une forme d’inconscience », sourit-elle.
De cette inconscience est née une structure solide, devenue une coopérative en 2019, qui inclut désormais une association et une école à la gestion solidaire. Avant de se lancer dans cette aventure, Domitille Flichy avait réalisé plusieurs expériences en vente en boulangerie. « J’ai découvert des environnements de travail difficiles, avec parfois la jalousie de la patronne pour un simple sourire d’un client », se souvient-elle.
Ces constats ont été renforcés par la réalisation d’une étude sur le management en boulangerie, menée en partenariat avec l’entreprise d’insertion Marguerite en 2015. « Nous avons alors mesuré la souffrance silencieuse des patrons : épuisés et confrontés à des charges de travail intenses, esseulés et parfois peu préparés aux tâches qui entourent la seule fabrication du pain, ils peuvent réaliser de graves erreurs dans la gestion des ressources humaines, avec de lourdes conséquences. »
Cette étude donnera naissance à une formation expérimentée avec l’Opcalim (devenu ensuite l’Opco EP), visant à les aider à devenir de véritables meneurs d’équipes. « Le plus saisissant était de recueillir les témoignages de participants qui, presque systématiquement, indiquaient avoir fini par pleurer de désarroi face à des difficultés dans le management de leurs équipes. »
Répondre aux enjeux de la profession en valorisant le travail des collaborateurs
Les constats réalisés en 2015 sont toujours valables : pire, ils se sont aggravés. « Nous sommes aujourd’hui au cœur d’une période pivot, les difficultés de la filière et la montée en puissance de la concurrence imposent aux artisans de se réaligner avec les valeurs de leur métier. »
Un effort de cohérence qui passera par une meilleure capacité à échanger au sein des entreprises, tout en affirmant le caractère indispensable de chaque collaborateur : « Chacun doit avoir un rôle clair et défini, qui valorise son travail. Beaucoup de boulangers font en sorte que la vente ne soit pas indispensable pour éviter des négociations de salaire, regrette Domitille Flichy, qui est parvenue à fédérer autour d’elle des équipes fidèles. Chez Farinez’Vous, la directrice opérationnelle travaille dans la structure depuis 15 ans et participe à la prise de décision. »
Au cœur de la transformation des relations à mener, c’est une notion de confiance réciproque qui doit se réintroduire. « Des patrons considèrent que leurs équipes font mal leur travail, et en retour les salariés ont une vision dégradée du chef d’entreprise, négligeant ses propres difficultés et son implication dans la structure. » Cet état d’esprit où les efforts sont partagés – une forme de « donnant-donnant » se ressent dans les pratiques de chacun au quotidien… et également aux retours de vacances, où les salariés sont heureux de retrouver leur poste.
À présent, Domitille Flichy milite pour la tenue de véritables « états généraux de la boulangerie », ce afin de traiter les problématiques qui traversent la filière et pour casser la solitude du chef d’entreprise, qui ne « dispose pas d’espace pour s’exprimer et travailler sur des projets de long terme ». Une idée généreuse à une époque où le collectif boulanger peine trop souvent à se définir et à s’exprimer.