Crise environnementale
Christophe Girardier, Glimpact : « Préserver le climat ne suffira pas à sauver le monde »
En 2050, les pays de l’Union européenne devront atteindre la neutralité carbone. Si l’objectif paraît ambitieux, il pourrait se révéler insuffisant pour répondre aux nombreuses problématiques auxquelles devra faire face la société dans les prochaines années : non seulement le climat se dérègle, mais les ressources se raréfient, à l’image de l’eau ou des énergies fossiles, la biodiversité est mise en danger… Dès lors, pour s’inscrire dans une logique de développement durable cohérente, une approche globale et scientifique s’impose. Au lieu de compter sur des labels, dont la multiplication et les cahiers des charges à géométrie variable remettent en cause leur efficacité, des outils clairs et partagés par tous pourraient s’imposer.
Christophe Girardier a pris l’habitude de prêcher dans le désert. En créant la start-up Glimpact en 2017, l’entrepreneur s’est engagé sur un terrain particulièrement complexe, et parfois controversé : l’impact environnemental des activités humaines compte parmi les problématiques majeures de l’époque… sans que les solutions mises en œuvre soient pleinement à la hauteur des enjeux.
« L’Union européenne travaille depuis plus de 10 ans à la mise en place d’une méthode d’évaluation de l’impact environnemental, aujourd’hui matérialisée par le Product Environmental Footprint (PEF) », détaille Christophe Girardier. Cette approche se base sur 16 critères, prenant en compte les « limites planétaires » aujourd’hui reconnues : consommation d’eau, utilisation des ressources naturelles/fossiles, polluants dans l’atmosphère, préservation des sols, des océans et de la biodiversité…
« Quand bien même on réglerait la problématique de baisse des émissions de CO2, l’humanité ne serait pas sauvée », tranche le dirigeant, qui milite activement pour que la démarche scientifique qu’il défend soit unanimement reconnue et permette à chaque entreprise de mesurer précisément les conséquences de ses activités, ouvrant la voie à une amélioration des pratiques.
« L’évaluation de l’impact environnemental n’est pas encore obligatoire, mais cela le deviendra sans aucun doute dans les années à venir. »
Une réforme européenne est en effet en cours sur le sujet de l’écoconception, qui sera imposée dès le 1er janvier 2024 pour les batteries et panneaux photovoltaïques. De quoi convaincre largement les professionnels à adopter la pratique sans attendre.
Implémenter la mesure de l’impact environnemental dans le quotidien des entreprises et des consommateurs
Pour permettre à chacun de ses clients de s’approprier le dispositif, Glimpact a modélisé la méthode avec des technologies de pointe… tout en rendant accessibles les résultats de ce travail au plus grand nombre, au travers des applications My Glimpact et Glimpact Scan (librement téléchargeables sur App Store et Google Play), qui permettent au grand public de connaître l’impact environnemental de ses produits du quotidien.
La France a été le premier pays à imposer l’affichage environnemental via la loi Écologie et Résilience… sans concrétisation pour le moment. Là encore, l’entreprise milite pour le développement d’« un décret d’application basé sur la méthode européenne PEF ».
« L’agroalimentaire doit participer au changement : il contribue à la crise environnementale, qui est systémique », cette affirmation résonne d’autant plus que l’alimentation est un acte quotidien et essentiel. « Pourtant, aucun artisan ne mesure l’impact environnemental de ses produits, regrette Christophe Girardier, et nous pouvons ainsi retrouver des tartes aux framboises en vitrine à l’occasion de la fête de la Saint-Valentin ! »
Dans le même temps, le secteur industriel s’est emparé du sujet : la start-up française compte parmi ses clients des marques telles que Wattwiller (eaux), Decathlon, Greenyard… mais la création d’une joint venture entre Glimpact et Puratos (par le biais de sa structure d'investissement responsable Sparkalis) pourrait bien changer la donne. Les deux entités se sont en effet rapprochées fin 2022, tout en préservant « l’indispensable indépendance de Glimpact » au sein d’une nouvelle structure baptisée Gfimpact (pour « global food impact »).
Le géant familial, fabricant et distributeur d’ingrédients de boulangerie, pâtisserie et chocolaterie, a d’ores et déjà commencé à exploiter les résultats obtenus « Puratos a développé une vision globale, ils avaient débuté une transition depuis plusieurs années et voulaient mesurer si leurs efforts allaient dans le bon sens. »
« 90 % de l’impact environnemental des produits est lié aux conditions de culture des ingrédients »
Ce partenariat pose les bases d’une véritable révolution dans la chaîne d’approvisionnement au sein de la filière boulangerie-viennoiserie-pâtisserie : avec l’apport d’un tiers de confiance tel que Glimpact, chaque acteur pourra démontrer la profondeur de ses engagements et permettre à ses clients de réaliser des choix éclairés. « 90 % de l’impact environnemental des produits est lié aux conditions de culture des ingrédients », précise Christophe Girardier.
Alimentation de la vache, méthodes d’élevage, émissions de méthane… autant de points qui font la différence sur des produits carnés, tout autant que l’utilisation maîtrisée d’intrants pour la culture du blé ou du cacao, bien plus que la cuisson ou les emballages « qui représentent moins de 5 % du bilan ».
Le caractère global de l’approche démontre ici toute sa pertinence. « En prenant en compte le lieu de production de la matière première, on intègre la situation hydrique locale au calcul. Ainsi, malgré un bilan carbone plus bas, on se rend compte qu’il est préférable de consommer en Espagne une tomate cultivée en pleine saison dans le sud de la France, la disponibilité en eau étant moindre chez nos voisins hispaniques. »
Ce travail au sein des filières pourra se prolonger chez l’artisan boulanger : avec l’ensemble de ces éléments objectifs, il pourra développer des produits à l’impact environnemental maîtrisé, en le communiquant à sa clientèle. Glimpact travaille à l’élaboration d’offres accessibles au plus grand nombre, avec un accès à des outils digitaux dédiés et la possibilité pour les professionnels d’afficher leurs efforts sur Internet… une bonne façon de se démarquer et de montrer leur engagement pour changer (et sauver) le monde.