Journée Mondiale du Pain 2023 : anatomie d'une filière en transformation

Créée à l'initiative de la fédération internationale des boulangers (UIB), la Journée Mondiale du Pain est célébrée le 16 octobre. Une date éloignée des traditionnelles célébrations liées à la Saint Honoré, positionnées autour du 16 mai, mais qui trouve du sens vis à vis de la célébration à la même date de la Journée mondiale de l'alimentation (aussi appelée World Food Day), lancée à l'initiative de l'Organisation des Nations Unies (ONU). 

De nécessaires transformations

Confrontée à d'importantes difficultés depuis le début de la guerre en Ukraine, elles-mêmes additionnées aux problématiques récurrentes de recrutement, la filière blé-farine-pain se voit contrainte à accélérer ses transformations. Ces dernières portent aussi sur l'organisation du travail, les jours et horaires d'ouverture que sur le fonctionnement des processus de production. Pour tous ces artisans engagés, un objectif commun se dessine : associer la performance économique et environnementale, sans jamais dégrader la qualité du produit fini. L'Union Européenne devra aboutir à la neutralité carbone d'ici à 2050, ce qui implique d'approfondir les pratiques vertueuses tout au long de la filière. Cela implique la mise en oeuvre de nouvelles méthodes de culture, mais aussi des innovations lors de la transformation ou la distribution des produits. La logistique meunière devra ainsi évoluer pour se conformer aux nouvelles exigences réglementaires, avec notamment la mise en oeuvre des Zones à Faibles Emissions (ZFE-m), tout en questionnant la capacité à livrer sur de longues distances comme c'est parfois le cas aujourd'hui.

Plus nutritif ou moelleux, le pain de demain et ses multiples visages

Au delà de ces aspects techniques, c'est le visage du pain dans les années à venir qui peine encore à se dessiner. Une récente étude publiée par le SIAL (et réalisée par l'entreprise Technavio) trace des perspectives pour la filière au niveau mondial, et prévoit notamment un taux de croissance annuel moyen de 6,4% pour les produits de panification jusqu'en 2027. Cette progression devrait être portée par la demande en produits riches en fibres et ceux répondant aux besoins de régimes spécifiques (sans gluten, vegan, ...). En creux, c'est l'attente de pains plus nutritifs qui s'affirme, bien loin des farines très blanches encore utilisées pour une partie des références de boulangerie. Cependant, cette évolution démontre le caractère particulièrement ambivalent des attentes des consommateurs, car ils sont toujours plus nombreux à se tourner vers des pains moelleux, dont les valeurs nutritionnelles demeurent controversées de par leurs teneurs en gras et en sucres. L'attrait marqué des nouvelles générations pour les produits tels que le pain de mie ou les buns laisse envisager une montée en puissance de ces produits, y compris sur le territoire français où l'attachement aux pains à croûte demeurait fort. 

L'introduction de la baguette, de sa culture et du savoir-faire associé au patrimoine immatériel de l'UNESCO en novembre 2022 a placé la filière sous les projecteurs, tout autant que les fermetures de boulangeries intervenues dans le courant de l'hiver en raison de la crise énergétique. Cela parviendra-t-il à créer des vocations durables, portées par le souhait de faire évoluer la filière ? Rien n'est moins sûr, d'autant que la qualité des formations se trouve remise en question par la baisse des coûts contrat pour l'apprentissage ainsi que des dotations à l'Opco EP. Le résultat pourrait être une perte durable, voire irréversible, de savoir-faire, ce qui réduirait encore les capacités des boulangers-pâtissiers à faire face à la concurrence et à mener les nécessaires transformations de leur offre et de leurs modèles. Néanmoins, de jeunes artisans passionnés continuent de démontrer les perspectives qu'offre le métier en s'installant ou en se démarquant lors des concours professionnels. Ces forces vives représentent autant d'opportunités de fêter le pain et ses artisans pour de nombreuses années.