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FILIERE

Pour ses 10 ans, Agri-Ethique accélère vers une démarche durable et engagée

Publié le 27/09/2023 |

Garder le cap malgré une période troublée. La ligne directrice d'Agri-Ethique fait écho à son ancrage dans les filières : la démarche de commerce équitable est née, il y a 10 ans, d'un constat réalisé par des agriculteurs vendéens, un meunier et deux industriels : les différents acteurs, qu'ils soient issus de l'amont ou de l'aval, n'attendaient que le moment "de se refaire" comme le confie Franck Bluteau, président d'Agri-Ethique. Vendre à un prix élevé, acheter à bas prix... autant de volontés qui traduisaient des relations déséquilibrées et peu pérennes, particulièrement visibles entre 2008 et 2011 où les cours des matières premières étaient très volatils. L'idée naît alors au sein de la coopérative vendéenne CAVAC de déployer des "contrats pluri-annuels", fixant des engagements pour le monde agricole comme pour les transformateurs. Le label prendra la suite dès 2013 et deviendra le pionnier du commerce équitable "Nord/Nord" au sein des filières agricoles françaises en 2018 par son choix de rejoindre le collectif Commerce Équitable France.


Ludovic Brindejonc, directeur
général d'Agri-Ethique

Un label de confiance au service de l'ensemble de la chaine de valeur

"Nous sommes parvenus à créer plus de sérénité et de visibilité au sein des filières" se réjouit Ludovic Brindejonc, directeur général d'Agri-Ethique. Tout d'abord entre les acteurs de l'écosystème blé-farine-pain, en reconnectant agriculteurs, meuniers et boulangers, puis sur des produits tels que les oeufs, les fruits, les légumes secs... jusqu'à atteindre aujourd'hui 53 filières. L'enjeu ? "Arrêter d'entretenir un modèle perdant-perdant et s'orienter vers une approche gagnant-gagnant", ce qui impose d'aligner les pratiques des différents acteurs, y compris des industriels. Le pari a été largement rempli : non seulement les produits labellisés Agri-Ethique sont présents dans l'ensemble des réseaux de distribution, mais il représente 457 M€ de chiffre d'affaires (CA) de produits vendus, soit 61 % du CA global du commerce équitable en France (746 M€). "Les consommateurs ont confiance en notre label", précise Ludovic Brindejonc, qui peut se reposer sur une étude d'opinion réalisée par Happydemics en 2022, au cours de laquelle la note de confiance était égale ou supérieure à 8, loin devant d'autres marques "éthiques" présentes sur le marché français. 10% des répondants affirmaient connaître le label, ce qui démontre le grand potentiel de croissance que pourra connaître la démarche dans les années à venir.

Malgré les crises, le modèle s'adapte et tient bon

Ces premiers succès auraient pu être mis à mal par le conflit ukrainien "Cela a stressé notre modèle" résume le dirigeant, avec la crainte d'un désengagement des agriculteurs face à la flambée des cours des matières premières. Il aura fallu renforcer l'effort de pédagogie, rappeler l'intérêt de la démarche et prendre la route pour évangéliser "Toute l'équipe d'Agri-Ethique s'est fortement mobilisée, avec près de 150 rendez-vous avec nos partenaires sur l'ensemble du territoire". Le modèle a tenu (la quasi-totalité des filières a été reconduite), au prix d'une adaptation du mode de fonctionnement. Adieu le prix fixe et garanti sur trois ans en vigueur sur des filières telles que le blé, un nouveau format instaurant un mécanisme de construction de prix "équitable et rémunérateur" annualisé, basé sur les coûts de production (obtenus au travers d'indicateurs officiels et objectifs), a été mis en oeuvre. Pas question de devenir sur d'autres fondamentaux tels que les engagements en volumes ou le cadre contractuel, qui donnent de la visibilité pour l'ensemble de la chaine de valeur "L'engagement en volumes répond aux problématiques à venir dans les prochaines années, où les pénuries devraient se multiplier", témoigne Gaëlle Ouari, directrice RSE, communication et stratégie des marques chez Labeyrie Fine Foods France. Le groupe a en effet rejoint Agri-Ethique sur les filières pois chiche (pour la fabrication de son houmous sous marque Blini) et blé (pour les blinis), apportant ainsi une cohérence avec la raison d'être de l'entreprise "Ensemble, partager un hédonisme engagé". Un point de vue partagé par Pascal Pubert, directeur général adjoint de la Boulangère. L'entreprise spécialisée dans le pain et la viennoiserie pré-emballés compte en effet parmi les premiers partenaires du label, qu'ils identifient comme un "bon partenaire pour avancer". Cette démarche "de bon sens" répond au souhait de l'industriel vendéen de faire du commerce "différemment", en plaçant tous les acteurs autour de la table afin de construire un modèle viable. "Le commerce équitable n'est pas quelque chose de simple", rappelle cependant le responsable, "Il est souvent nécessaire d'en réaffirmer les valeurs et le fonctionnement en interne". Des rappels d'autant plus nécessaires au sein des services achat, souvent habitués à mener des négociations sans raisonner à long terme comme l'impose Agri-Ethique.

De nouvelles perspectives pour les 10 ans à venir

Bien loin de reculer, Agri-Ethique accélère en devenant une société à mission, une première pour un label français. Résumée en une phrase "Façonner la coopération entre tous les acteurs et permettre aux consommateurs d’accéder à des produits à impact positif", elle sera incarnée par un comité de mission, chargé de "challenger la mission, ses objectifs et d'éviter les dérives" détaille Ludovic Brindejonc. L'objectif est clair : associer l'ensemble des parties prenantes pour développer un progrès collectif, bâtir des filières durables pour créer une agriculture durable et apte à nourrir la population en quantité et en qualité.
Le label vise également l'accréditation Cofrac, qui imposera au certificateur Certipaq -qui accompagne la démarche depuis ses débuts- d'être contrôlé par l'organisme sur le respect des processus "Nous souhaitons distinguer le propriétaire du label du certificateur". De cette façon, Certipaq est seul responsable de l'attribution ou non du label, un gage d'indépendance supplémentaire qui améliorera encore la crédibilité du dispositif. Agri-Ethique ambitionne d'être en mesure d'obtenir la mise en place des contrôles sous accréditation Cofrac dès la fin de l'année 2024.

Non content de traiter des sujets économiques, la démarche de commerce équitable souhaite désormais participer à la transition agroécologique. Pour y parvenir, elle a noué un partenariat avec PADV (Pour Une Agriculture du Vivant), mouvement de coopération et d’innovation afin d'agir à l'échelle de l'exploitation et "redonner de l'autonomie à l'agriculteur, sans rajouter un cahier des charges supplémentaire". Cette approche systémique dépasse le blé, le végétal ou l'élevage et se fonde sur des diagnostics visant à bâtir des plans de progrès, engageant les producteurs sur le long terme pour améliorer leurs pratiques. Les premières démarches ont d'ores et déjà commencé sur le terrain.

Pour encourager un maximum de partenaires à suivre les nouveaux projets du label, 10 rencontres ont été planifiées sur le territoire français. Cet "Agri-Ethique Tour" viendra à la rencontre des 2 641 partenaires engagés au coeur des territoires... pour toujours mieux entretenir les échanges au sein des filières.

Un engagement toujours profond au service de la filière blé-farine-pain

Si l'histoire a commencé par le blé, Agri-Ethique y demeure fidèle. Plus de 1 000 boulangeries, dans 81 départements français, arborent le label. Pour parvenir à toucher toujours plus d'artisans, de nouveaux meuniers rejoignent l'aventure : après le Moulin Calvet en mai, c'est le Moulin Maury qui participera prochainement à la construction de filières locales, entretenues au sein aux régions.
L'histoire pourrait bien également s'écrire à l'international : Agri-Ethique a participé, en réponse à la demande de son partenaire historique qu'est la Minoterie Girardeau, à des échanges avec plus de 200 acteurs locaux au Québec lors de la dernière rencontre "Culture Pain", organisée par le Moulin de Charlevoix (dont Bertrand Girardeau est actionnaire). Il sera désormais nécessaire d'identifier les manières d'adapter le modèle pour le faire vivre dans d'autres régions du monde... De quoi ouvrir de nouvelles perspectives pour les 10 ans à venir.