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Pains nordiques et allemands : une arrivée fracassante

Publié le 30/08/2024 |
Le sechskornbrot, ou "pain aux six graines", Les Artistes à Lyon.

Depuis quelques mois, ils fleurissent dans les panetières des boulangeries françaises. Pumpernickel, Rugbrød, Sechskornbrod… Leurs noms difficilement prononçables n’effrayent pas une clientèle haut de gamme en quête de produits premium à forte valeur nutritionnelle. 

De tout temps, les farines de seigle ont été très populaires en Allemagne et dans les pays nordiques en raison de leur adaptation aux climats rigoureux et aux sols pauvres de ces régions, où cette céréale pousse bien mieux que le blé. Une contrainte devenue atout… Riche en fibres, vitamines et minéraux, doté d’un faible indice glycémique, le seigle offre des avantages nutritionnels supérieurs.

Historiquement bien intégré dans les traditions culinaires locales, il a donné naissance à des pains emblématiques comme le pumpernickel et le rugbrød. Les méthodes de fermentation traditionnelles, souvent à base de levains naturels, ajoutent à la complexité gustative et à la conservation de ces pains, d’où son ancrage solide dans les régimes alimentaires Outre-Rhin.

Désormais, ces variétés, par leurs saveurs et aspects singuliers et leurs bienfaits nutritionnels avérés, ont leurs adeptes dans l’Hexagone.

Une longue conservation dans l’air du temps

Le rugbrød est un pain traditionnel danois, dense et très aromatique, composé principalement de seigle fermenté au levain avec une forte proportion de grains de seigle cuits et de diverses graines (courge, tournesol, lin…). Souvent consommé en tranches fines, seul ou comme base de sandwich ouvert (smørrebrød), il se distingue par sa conservation exceptionnelle lorsqu’il est filmé après refroidissement (au-delà de deux semaines !). La préparation du porridge de seigle, longue à mener, peut être faite en grande quantité puis stockée au congélateur en portions prépesées pour une utilisation future.

Originaire de Westphalie en Allemagne, le pumpernickel est, quant à lui, un pain de seigle intégral très dense à la mie sombre et aux arômes puissants de chocolat, café torréfié et tabac. Sa mie, initialement couleur miel de châtaignier, fonce avec le temps pour atteindre un brun plus foncé. Ce pain nourrissant se déguste en tranches fines, souvent seul pour en apprécier sa complexité aromatique, ou accompagné de poissons crus ou marinés, eux aussi très populaires dans les pays nordiques.

Fortement répandu en Bavière, le sechskornbrot, ou "pain aux six graines", est un pain de méteil ou de seigle grainé qui débute par la confection du "quellstück". Apprécié pour sa polyvalence, ce pain est consommé tout au long de la journée et plébiscité pour sa simplicité de réalisation et son goût accessible à tous.

Ces pains, généralement très hydratés et riches en graines, sont souvent réalisés avec de la farine de seigle ou méteil (50/50 farine et blé). Le mélange de graines trempées au préalable (qui joue un rôle de réserve d’eau limitant ainsi le séchage du pain) et leur fermentation au levain permettent d’améliorer la durée de conservation du produit. Un argument de taille pour limiter le gaspillage alimentaire et consommer du pain, à son rythme, au gré de la semaine.

Intérêt nutritionnel et faible coût de revient

Affichant un indice glycémique beaucoup plus bas que la baguette traditionnelle (inférieur à 50, soit moitié moins), ces pains "santé" sont dotés d’une forte valeur nutritionnelle : riches en acides gras essentiels (oméga-3), en vitamines E antioxydantes et en fibres. Autres atouts : ils présentent un coût de revient très faible et sont généralement faciles et rapides à produire car réalisés en moules.

Ces pains "premiums" sont devenus très populaires auprès d’une clientèle prête à mettre le prix en échange de produits à forte valeur nutritionnelle. Vendus en moyenne entre 9 et 10 €/kg en province, ces gammes atteignent facilement 12, voire 13 €/kg en Île-de-France. Un véritable must have pour diversifier son offre et séduire une clientèle B2C, mais également B2B : ils sont de plus en plus plébiscités par les restaurants, hôtels et épiceries.

Les minotiers sur le front

Toujours au fait des tendances, les minoteries ont élargi leur offre et proposent des mélanges de farines et de graines adaptées à la fabrication de ces pains venus d’ailleurs.

Pratiques, ces mélanges simplifient la production en boulangerie en réduisant les étapes de préparation et en minimisant les erreurs de pesée. Une optimisation du temps et des coûts de production synonyme d’efficacité et de rentabilité.

De plus, ces mélanges sont conçus pour conserver les qualités nutritionnelles des céréales, garantissant des produits sains et nutritifs. Parmi les propositions de Moulins Bourgeois : le Pain de la Roche (farine de blé T80 et seigle T130 bio), le Baltik/Olaf (farines de blé, orge, seigle et diverses graines) et le Pain de la Forêt Noire (farine de seigle T170, blé T65, et graines). Chacun apportant des saveurs et textures uniques, idéaux pour les consommateurs recherchant des produits authentiques et nutritifs.

Quellstück : prenez-en de la graine

Le quellstück est un mélange de graines et de flocons préalablement trempés qui permet d’améliorer la conservation du pain, les graines hydratées faisant office de réserve d’eau.

Normalement utilisé dans la réalisation du sechskornbrod, il intègre traditionnellement des graines de tournesol, des flocons d’avoine, des graines de lin brun et doré et des graines de courge. Un mélange additionnel qui fleure bon les céréales après hydratation…

À vous de créer votre quellstück en vous adaptant à la saison et à votre terroir ! Sarasin, soja, tournesol, pavot…, cette base peut être utilisée avec d’autres farines afin d’amplifier son avantage nutritionnel, gustatif et technologique comme lors de la réalisation de pain intégral ou d’autres types de miches gourmandes.

Aucune limite à la créativité…

Chaque boulanger peut concevoir sa propre recette et proposer une gamme unique de pains nordiques qui reflète son style et ses goûts. Les artisans conservent de ce fait un contrôle total sur la qualité et l’origine des ingrédients utilisés. De plus, en proposant une variété de produits tels que le rugbrød, le sechskornbrot ou des pains méteil, les boulangers peuvent diversifier leur gamme et attirer une clientèle plus large.

Cependant, cette approche comporte aussi des inconvénients. Assurer la consistance et la qualité des produits nécessite de nombreux tests et ajustements des recettes (forcément chronophage).

Le prix des ingrédients locaux et de saison peut également varier, impactant les coûts de production. Gérer une variété d’ingrédients et de mélanges peut être complexe, et nécessite une bonne organisation pour éviter les ruptures de stock ou le gaspillage.

Enfin, la réalisation de pains allemands et nordiques authentiques peut nécessiter des compétences techniques spécifiques et une formation supplémentaire pour les boulangers et leur personnel.

Basé dans l’Ain, le Moulin Marion soutient cette démarche en fournissant des graines bio de haute qualité et en développant des partenariats avec des agriculteurs locaux pour garantir des graines origine France. À la suite des problèmes liés à l’ETO (oxyde d’éthylène) sur les graines importées, comme le sésame, ils ont décidé de proposer uniquement des graines françaises. Ils s’approvisionnent également en lin brun et doré, pavot, quinoa, millet et flocons d’avoine en partenariat avec des regroupements de producteurs, assurant des volumes et prix stables toute l’année. Un bon point pour ne pas perdre le Nord.