GESTION
Les boulangers peuvent-ils encore prendre des congés d'été ?
La réglementation qui imposait aux boulangers parisiens la date de leurs congés d'été semble bien lointaine. Pourtant, elle n'a disparu qu'en décembre 2014, au travers de la mise en application de la Loi relative à la simplification de la vie des entreprises. Un dispositif qui permettait, historiquement, de garantir l'approvisionnement en pain de la population. Les boulangers se voyaient ainsi attribuer un groupe, définissant s'il était contraint d'ouvrir en juillet ou en août.
Aujourd'hui, le pain est partout, toute l'année : qu'il s'agisse de magasins de proximité, moyennes ou grandes surfaces, réseaux de boulangerie... l'offre à disposition du consommateur est vaste et ne connaît pas de congés. Dans ce contexte de concurrence exacerbée, les longues fermetures estivales qu'observaient les artisans sont difficiles à maintenir, au risque de voir la clientèle changer durablement ses habitudes. Volatile et exigeant, le consommateur moderne accepte difficilement la déception d'une porte fermée. C'est d'autant plus vrai que les congés se coordonnent parfois difficilement entre artisans, générant des situations où le pain artisanal peut se faire localement rare en pleine saison estivale.
La difficile équation de structures déjà fragiles
Une fermeture pour congés nécessite de disposer d'une trésorerie suffisamment solide pour faire face aux charges fixes qui restent à régler : loyers, salaires... autant d'éléments qui pèsent d'autant plus lourd que les marges des entreprises de boulangerie se sont contractées sous l'effet de l'inflation, laquelle n'a été que partiellement répercutée sur les prix de vente en pains, viennoiserie, pâtisserie et autres produits proposés par les artisans. Dès lors, des structures fragilisées par la succession des crises pourraient se trouver face à une situation complexe au retour de leurs congés. Elles ont d'ores et déjà commencé à les réduire, comme l'indiquait Dominique Anract, président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française (CNBPF), l'an passé.
Cette évolution du paysage commercial participe à favoriser des boulangeries d'une taille suffisamment importante pour assurer la rotation des équipes, leur permettant d'éviter tout recours à une fermeture estivale. Ce qui était l'apanage des enseignes nationales devient à présent la norme pour une frange grandissante des acteurs en présence sur le marché du pain : ouvrir toute l'année, voire même tous les jours pour plusieurs d'entre eux (même si la pratique est remise en question face aux difficultés de recrutement), c'est tenter de s'assurer de conserver sa clientèle. Au risque de marginaliser les plus petites structures, qui représentent encore une part importante de l'identité boulangère à la française.