ECO RESPONSABILITÉ
Le pain bas carbone, un effort collectif et nécessaire
L'achat d'une baguette sera-t-il bientôt neutre pour le climat ? C'est en tout cas le voeu fait par plusieurs acteurs de la filière, engagés dans une dynamique de réduction de leur empreinte carbone. Une logique qui peut se prolonger tout au long du chemin menant au pain, intégrant les artisans boulangers et transformateurs ainsi que les consommateurs finaux. Pour y parvenir, une prise de conscience collective serait nécessaire : l'impact environnemental de l'alimentation est encore méconnu pour une grande partie des acteurs présents sur le marché, peu importe leur statut.
L'impact de l'alimentation sur l'empreinte carbone, un sujet encore méconnu
Au travers de l'étude Vegocracy, menée par le panéliste Kantar auprès de 10 500 personnes dans 7 pays occidentaux, il est possible de prendre une pleine mesure du travail de pédagogie à mener afin de sensibiliser le public à l'impact de leurs habitudes alimentaires : 76 % des personnes interrogées considèrent qu'elles sont en mesure d'influer sur leur bilan carbone, mais seulement 12 % considèrent l’alimentation comme le facteur pesant le plus lourd sur leur empreinte carbone. Pourtant, cet acte quotidien a été reconnu comme l'un des principaux leviers afin d'agir au service de la préservation du climat : 30 % des émissions de CO2 sont générées par l’alimentation humaine. Afin de les aider à réaliser des choix éclairés, 62 % des Français ayant répondu à l’étude Vegocracy seraient en attente d'un étiquetage clair de l'empreinte carbone de chaque produit... ce qui est encore loin d'être une évidence, à la fois de par la complexité du calcul et le nombre de références concernées.
Des acteurs engagés pour un pain décarboné
Au sein de la filière blé-farine-pain, plusieurs entreprises ont déjà fait entendre leur voix pour détailler une trajectoire éco-responsable et orientée vers le bas carbone. Cela fait partie de la feuille de route à la génèse d'Episens, la nouvelle entité regroupant les activités meunerie, boulangerie et viennoiserie de l'union de coopératives InVivo. La structure ambitionne de devenir "leader des filières durables et de pionnier sur les offres bas carbone" selon son directeur François-Xavier Quarez, notamment au travers des filières vertueuses regroupées sous la bannière Semons du Sens, créée par le groupe Soufflet. L'objectif : proposer rapidement chez Louise la première "baguette décarbonée" avant d'étendre la proposition à l'ensemble des clients, notamment chez Moulins Soufflet ou Neuhauser.
Chez Axiane, les produits portant des allégations au sujet du climat sont pour l'heure réservées au grand public. Sa marque Coeur de Blé lancera en mai prochain la "la première farine de blé engagé dans une démarche bas carbone sur le marché de la farine GMS, dans un esprit de filière avec les agriculteurs de la coopérative Axéréal". Commercialisée en format 1 kg, cette nouvelle référence s'appuie sur les pratiques culturales d’agriculteurs coopérateurs du groupe visant à réduire leur bilan carbone. Cela passe par un engagement de 5 ans, période pendant laquelle l'apport de matières organiques naturelles sera privilégié, de même que la cultures de légumineuses complémentaires moins énergivores telles que les lentilles et les pois.
Le stockage du carbone dans le sol, indispensable à leur bonne santé, sera augmenté par des pratiques de couvert végétal entre deux cultures. C'est tout l'aspect vertueux de l'agriculture qui s'affirme ici, avec une captation du carbone atmosphérique en excès.
Autre acteur coopératif majeur, Vivescia, propriétaire notamment de Grands Moulins de Paris ou de Délifrance, s'engage globalement avec une feuille de route visant à contribuer à la neutralité carbone d'ici à 2050. Elle repose sur des objectifs ambitieux, tels qu'une réduction de 25% de son empreinte carbone sur sa chaine de valeur (scope, 1, 2 et 3, année de référence 2021) à horizon 2030. Cela implique autant les agriculteurs que les métiers de transformation. La structure souhaite obtenir une certification de la part du Science Based Targets Initiative (SBTi) sur la base de ces engagements, ce qui démontrera la force et l'implication de l'ensemble des collaborateurs du groupe dans cette dynamique.
Vers une transformation de la logistique en meunerie
Vouloir réduire l'impact carbone du pain, c'est agir sur l'ensemble des étapes menant à sa fabrication puis à sa consommation. Dans ce cadre, au delà de l'aspect agricole, la distribution de la farine est également un sujet sur lequel l'Association Nationale de la Meunerie Française (ANMF) travaille afin d'imaginer la logistique meunière de demain : chaque année, ce sont des milliers de camions à moteur thermique qui approvisionnent les boulangers. Pour faire autrement demain, il faudra se tourner vers des alternatives (électricité, hydrogène, ...) dont les performances et l'adaptation aux spécificités du métier sont à évaluer précisément. Plus que jamais, c'est la logique d'un approvisionnement local qui s'impose pour les boulangers comme pour leurs partenaires : acheter une farine écrasée à proximité, réalisée à partir de grains cultivés dans la région, sera un acte naturel pour l'ensemble de la filière.
L'artisan boulanger, acteur indispensable de la démarche bas carbone
Dernier maillon de la chaine avant la transmission au consommateur final, l'artisan boulanger peut également agir au quotidien pour réduire le bilan carbone de son activité. Cela passe notamment par de bonnes pratiques en terme de gestion de la production : réduction du gaspillage alimentaire par une meilleure maîtrise des quantités, rationalisation des cuissons, ... tout en questionnant la pertinence des recettes et produits actuels, dont la réalisation se révèle parfois consommatrice de nombreuses ressources : stockage au froid (positif ou négatif), transport entre les différents sites, ... autant d'actions qui font appel à des équipements ayant, pour chacun, un bilan carbone plus ou moins élevé. De quoi questionner en profondeur le fonctionnement d'une boulangerie artisanale et son organisation du travail, en s'appuyant notamment sur le travail d'acteurs tels que les Ambassadeurs du Pain, qui prônent avec leur méthode RESPECTUS PANIS® un retour vers une panification moins énergivore mais non moins qualitative.
En boutique, c'est le même effort qui s'impose, avec notamment le sujet majeur des emballages à usage unique et la réduction de leur emploi. Les équipes de vente pourront rejoindre leurs collègues positionnés en production afin de mieux trier et valoriser les déchets, en suivant les préconisations du décret 3R (Réduction, Réemploi et Recyclage) et de la loi AGEC.