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Viennoiserie

La viennoiserie nouvelle génération, un puissant vecteur de différenciation et de marges

Publié le 19/01/2024

Elle était tombée dans le domaine de la banalité et avait vu sa fabrication artisanale lentement décliner. On aurait pu la penser condamnée à survivre sans éclat face à une pâtisserie adulée, portée par de grands noms et une visibilité assurée au travers des médias digitaux autant que traditionnels. Pourtant, la viennoiserie résiste. Mieux, elle retrouve un dynamisme éclatant : créativité dans les saveurs et les formes, exigence dans la sélection des matières premières et les recettes, … tous les ingrédients sont au rendezvous pour susciter l’engouement du public. Afin que ce dernier soit durable, la filière devra désormais être en capacité à lui donner toute la place qu’elle mérite au laboratoire comme en boutique, et transmettre très largement le savoir-faire qui y est associé.

C’est un chiffre qui a longtemps circulé pour démontrer le désintérêt que porteraient les artisans boulangers-pâtissiers à la viennoiserie : 80 % d’entre eux miseraient sur des références prêtes à l’emploi, issues de l’industrie. La donnée n’est accompagnée d’aucune source précise, ni même d’informations sur le périmètre exact de l’« étude » ou la date du constat, ce qui n’a pas empêché sa large reprise dans tout type de communication.

Plus curieux encore, le chiffre n’a pas évolué au cours des dernières années alors même que le « fait maison » s’est réimplanté dans la filière. En réalité, la statistique porterait plutôt sur l’ensemble du secteur de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP), incluant la grande distribution, les réseaux ou encore les enseignes de « points chauds » : le nombre conséquent de leurs points de vente, où sont mis en œuvre de façon quasi-systématique des viennoiseries industrielles, rendraient les évolutions dans l’artisanat peu visibles.

Peu visibles mais pourtant réelles : au cours des dix dernières années, une nouvelle génération de boulangers a développé son offre feuilletée et comprit l’intérêt de ces produits dans un effort global de différenciation vis-à-vis d’une concurrence toujours plus dynamique. Le point de départ de cette révolution gourmande se trouve se trouve de l’autre côté des Alpes : en développant le fameux « croissant bicolore » en 2010, le maître boulanger français David Bedu, installé à Florence (Italie), a ouvert une nouvelle dimension aux vitrines de viennoiserie. Alors qu’elles étaient jusqu’alors uniquement peuplées de nuances de blond et de caramel, éventuellement agrémentées d’ingrédients (fruits, chocolat…), cet apport inattendu a développé l’attrait des clients pour les produits. Version chocolat, praliné, fruits rouges…

Comme la transition, au cinéma et à la télévision, entre l’ère du noir et blanc vers les images colorées, cette nouveauté ouvrait le champ des possibles pour un répertoire jusqu’alors très classique.

Un terrain de créativité et de renouveau exploré par des professionnels talentueux

En plus du plaisir des yeux, la transformation rapprochait le croissant de l’univers des viennoiseries fourrées. Il n’en fallait pas plus pour que des professionnels créatifs s’en emparent, à l’image du dijonnais Louis Tortochot, qui a fait du croissant parfumé sa signature. Grâce à son goût pour l’innovation, l’artisan a développé une expertise pointue dans la personnalisation des viennoiseries, au travers d’un système d’impression inédit : ses clients peuvent intégrer leurs propres images ou textes sur les produits en quelques clics via une interface disponible sur le site dupainpourdemain.com.

Cette association de la technologie et du savoir-faire artisanal, avec un feuilletage particulièrement net et croustillant, lui ont permis de développer sa réputation aussi bien sur le plan local qu’au-delà.

En boutique, le client peut choisir une saveur parmi une large gamme de tartinables (framboise, citron, pistache…) qui sera insérée à la minute dans une enveloppe de pâte levée feuilletée maison, grâce au « Bar à croissants » mis au point par le boulanger. Une nouvelle version a été déployée dans la seconde boutique de l’artisan, située en plein cœur de Dijon, avec possibilité pour le client d’ajouter un nappage et des toppings. À présent, le dispositif est commercialisé auprès d’autres professionnels, à l’image de l’enseigne Mamatte, qui l’a installé au sein de l’une de ses deux boutiques lilloises.

Les croissants garnis, une tendance montante

63 % des Français apprécient découvrir des recettes mettant en avant des croissants de manière créative et gourmande (source Étude Bridor septembre 2023 – 1 000 Français représentatifs de la population) : cette donnée témoigne du potentiel du produit dès lors qu’il est retravaillé, avec la possibilité d’augmenter considérable la propension à payer du client. À présent, une nouvelle vague se développe sur les réseaux sociaux : les croissants garnis, en version sucrée ou salée. Si l’on connaissait historiquement le croissant au jambon, généreusement garni de béchamel et de fromage, c’est une approche plus raffinée et gastronomique qui s’impose, où l’écrin feuilleté est mieux mis en valeur.

La tendance a inspiré le célèbre chef pâtissier Christophe Adam, qui a développé une gamme spécifique au sein du concept de coffee-shop L’Éclair de Génie Café, dont l’implantation française est située au 122 Rue Montmartre, Paris 2e. Vanille, chocolat, pistache, framboise, tiramisu… les déclinaisons s’invitent en vitrine au fil des saisons, avec toujours un élégant topping. Cette nouvelle approche n’a rien à envier à son confrère italien, dont il tire son inspiration : le « cornetto », lui aussi descendant du Kipferl autrichien comme le croissant à la française, est généralement vendu fourré.

Alors que les boulangeries tendent à muer progressivement en de véritables coffee-shops (avec une « coffeeshopisation » selon le néologisme employé par l’expert Nicolas Nouchi lors du Congrès du Snacking 2023), une telle déclinaison du croissant permet de valoriser la production à des prix plus élevés, offrant des marges confortables, tout en l’ouvrant à de nouveaux instants de consommation : il devient une véritable pâtisserie, appréciée notamment à l’occasion du tea-time.

D’autres vont plus loin, allant jusqu’à dédier à la fameuse viennoiserie un lieu entier : c’est le cas de « Croissant’s », le « Premier Concept de Croissant salé et sucré en France » selon ses créateurs, ouvert courant mai 2023 au 17 Rue d’Odessa, Paris 14e. « Mangez les autrement » : la baseline de la jeune enseigne témoigne de sa volonté d’offrir aux clients une nouvelle expérience de dégustation, avec pour fil conducteur une base généreusement beurrée. Les créations sont assemblées à la minute pour préserver le jeu de textures : pastrami, poulet mariné, chocolat-banane, chocolat blanc-fraise, spéculoos-framboise… les propositions salées et sucrées sont nombreuses et témoignent d’une riche créativité.

Parfumer le croissant au travers de sa pâte ou du beurre

Autre territoire de création encore peu exploré : parfumer la pâte du croissant ou le beurre de tourage, ce qui permet d’obtenir naturellement de nouvelles couleurs et saveurs. Le pâtissier Pierre Hermé avait imaginé un croissant parfumé au café dans le cadre de son « Fetish Café », mettant en œuvre les origines sourcées et torréfiées par Hippolyte Courty, spécialiste du café de spécialité et fondateur de l’Arbre à Café. Un savoureux clin d’œil au geste fréquemment pratiqué de tremper son croissant dans le café… idée reprise avec un supplément de gourmandise par la boulangerie parisienne Miettes (9 Rue de l’Olive, Paris 18e) dans un croissant café-chocolat. Autant de façons de prouver, grâce à ces multiples déclinaisons, que le croissant est bien loin de décliner.

Des tendances en accélération : cruffin, New-York Roll, viennoiseries XXL ou salées…

Dans les vitrines, à côté des croissants ou des pains au chocolat, une tendance en chasse une autre : l’engouement observé autour des cruffins, maritozzi ou encore New York Roll a grandement ralenti, ces produits ayant fini par se banaliser et perdre en popularité sur les réseaux sociaux qui les avaient portés. Désormais, ce sont plutôt les formats XXL qui trouvent un regain de visibilité : au-delà des pièces géantes qui demeurent des produits de niche, réaliser des pièces imposantes (en plaque ou en format circulaire, par exemple) permet de proposer des gourmandises de partage, pouvant se substituer à des pâtisseries, ou de réaliser des ventes au poids/à la part. Au-delà du caractère rationnel de ces fabrications, leur impact visuel en vitrine est un atout majeur pour se différencier de la concurrence.

La viennoiserie salée, en plein essor, permet également de compléter l’offre snacking d’une boulangerie-pâtisserie de façon efficace : sur une base de pâte levée feuilletée peuvent s’insérer des garnitures variées : fromage, béchamel, charcuteries ou viandes cuites… le caractère pratique et gourmand de telles propositions, déclinées sur les formes de pain suisse, de finger ou même de roulé, séduit un large public… et démontre une fois encore le caractère versatile et sans cesse mouvant de produits croustillants, riches en beurre et en bonheur.