La boulangerie passe en mode pop-up

Casser les codes pour renouveler l'attrait du public, faisant ainsi de la boulangerie un lieu de découvertes et de destination plus que de commodité. La pratique est encore peu courante dans un métier porté par les traditions, à l'inverse de secteurs de la mode où l'événementiel fait partie des fondamentaux. Peut-on tirer le meilleur des deux mondes pour imaginer des formats donnant une image plus moderne de la filière ? En ouvrant baguett. au sein de son point de vente de la Samaritaine (Paris 1er), la Maison Kayser développe une réponse singulière, associant son savoir-faire reconnu dans l'univers de la panification à une offre produits innovante, le tout dans un cadre riche en marqueurs de modernité... dans un mode "pop-up", puisque la marque à vivre dans cette enceinte seulement 4 mois.

Une baguette plus iconique que jamais

Si la baguette est entrée au patrimoine immatériel de l'Unesco le 30 novembre 2022, l'entreprise fondée par Eric Kayser travaillait sur ce projet depuis le mois de septembre "En suivant l'annonce et les réactions que cela a généré, je me suis dit que c'était un signe" se rappelle Elodie de Montbron, directrice marketing et communication de la structure. Pour mettre au point le concept et son identité visuelle, une spécialiste de la création de lieux a été missionnée. Le résultat donne une nouvelle dimension à l'entrée d'Ernest, la boulangerie-restaurant implantée au sein de la Samaritaine depuis juin 2021 : avec une atmosphère baignée dans le rose, l'oeil est attiré vers la proposition développée par baguett., ainsi que son food-truck disposé à l'extérieur, où sont servies les glaces.

Baguette, enfance et gourmandise au programme de ce cocktail rafraichissant

Le caractère ludique du dispositif a été particulièrement soigné : cette "playground bakery" (boulangerie "cour de récréation" selon une traduction littérale de l'Anglais) comme elle se décrit sur Instagram célèbre autant la baguette, l'enfance et la gourmandise. La baguette tout d'abord avec de multiples déclinaisons parfumées : chocolat, caramel façon Carambar, pralines roses, orange-carotte-gingembre... autant de versions qui donnent de nouvelles couleurs et saveurs à ce produit iconique, d'autant plus apprécié dans un lieu touristique tel que la Samaritaine. Pour l'enfance, c'est le nounours qui se voit placé en fil conducteur d'une partie de l'offre : des pains (de tradition ou de mie, avec des versions au thé vert, au curcuma, ...) sont réalisés sous cette forme, de même que des pâtisseries (brownies, tartes...). Les plus jeunes ne sont pas oubliés avec une marque dédiée, baptisée miett.

Enfin, la gourmandise demeure l'élément central chez baguett. : grands sandwiches aux garnitures généreuses et variées, glace sundae infusée au pain grillé et servie dans des demi-croissants, des quignons de baguette ou des cookies en guise de cornet... la Maison Kayser ne s'est refusé aucune fantaisie "Le plus difficile est sans doute de convaincre nos boulangers de réaliser des produits qui sortent de leurs habitudes : faire un trou sur le bout d'une baguette pour l'accrocher, préparer des pains de mie en forme de nounours avec des couleurs spécifiques pour les yeux ou le ventre... autant de détails qui demandent un soin particulier." décrit Elodie de Montbron. Au petit-déjeuner, l'oeuf mouillette est à l'honneur, vendu dans la traditionnelle boîte à oeufs... décliné en couleur rose. Autre point pris en compte lors de la création du concept : son intégration dans une dynamique d'économie circulaire "Nous réalisons chaque jour des baguettes façon pain perdu avec les invendus. Elles pourront ainsi se décliner selon les parfums restant du jour précédent. La chapelure, obtenue à partir de nos pains grillés et réduit en poudre, est proposée à la vente mais également utilisée pour infuser notre glace et enrober le poulet frit servi dans nos propositions de snacking.".

Surprendre les clients et créer des événements pour générer du trafic

En 2023, le challenge des boulangers comme des restaurateurs est de générer du trafic dans leurs points de vente : sous l'effet de l'inflation, les consommateurs réduisent leur fréquence de visite... l'enjeu étant pour chaque acteur que cela s'opère dans d'autres établissements que les leurs. Dès lors, il est devenu indispensable de créer de nouvelles raisons de visite, qui peuvent se trouver du côté de l'offre ou d'événements à durée limitée. Cela se fait d'autant plus facilement que les investissements nécessaires sont limités : en se reposant sur les équipements déjà présents au sein du laboratoire et du point de vente, les dépenses se concentrent sur les éléments de communication et de mobilier. Du lundi 5 juin au vendredi 9 juin, la Maison Kayser accueillait également, au sein de sa boulangerie proche de la place Vendôme (33 rue Danielle Casanova, Paris 1er), la jeune marque de cookies prêts-à-cuire Lorelle. Au sein d'un petit corner, les clients pouvaient découvrir les produits du duo formé par les soeurs Ethel et Lorna, avec personnalisation et cuisson minute. Là encore, le pop-up est gagnant pour les deux entités : cela participe à la mise en lumière de la start-up tout en animant le point de vente. La clientèle moderne cherche satisfaire son appétit d'expériences, ce qui impose d'aller bien au delà du seul travail sur la qualité des produits. De plus, ces nouvelles approches du métier permettent de développer des tarifs plus élévés, le consommateur étant privé de ses repères habituels. Preuve en est du soin porté au merchandising chez baguett. : bougie au parfum de pain grillé, bérêt rose, tee-shirt, casquette, sac à baguette, mug, bouteille en forme de nounours... autant de produits qui feront la joie des touristes autant que des parisiens. De quoi imaginer une éventuelle prolongation du concept si le succès était au rendez-vous, de même qu'un déploiement ailleurs en France et à l'international.