CONJONCTURE
Hausses de prix, ruptures : les défis de la fin d'année
Placés en première ligne depuis le début de la crise sanitaire de par leur statut de commerce de première nécessité, les artisans boulangers-pâtissiers doivent faire face depuis plusieurs mois à de nouvelles difficultés.
La hausse des cours du blé depuis la fin de l’été se répercute aujourd’hui sur les prix de farine, avec des augmentations progressives passées auprès des clients des différents acteurs meuniers du marché. Si cette dernière a été largement documentée dans les médias généralistes, permettant aux artisans de la répercuter plus facilement, c’est beaucoup moins le cas d’autres hausses ou difficultés d’approvisionnements annoncées.
Les semaines se suivent et les mauvaises nouvelles s’accumulent. Ainsi, la CSFL (Chambre Syndicale Française de la Levure) alerte sur « la flambée des prix exceptionnelle des matières premières » dans son secteur, et plus particulièrement une forte augmentation des prix des coproduits sucriers -essentiels pour l’activité des levuriers- ainsi qu’une forte tension sur l’approvisionnement de ces derniers (liées à de mauvaises récoltes, aux accidents climatiques ou encore à l’utilisation de la ressource pour la production de bioéthanol).
Ces industriels sont également concernés par les ruptures constatées sur les fournitures que sont les emballages ou les équipements, ainsi que par la hausse des prix de l’énergie et du transport. En boulangerie-pâtisserie, l’utilisation accrue des équipements électriques (notamment pour le poste de cuisson) rend la facture énergétique toujours plus pesante, tout comme celle des boitages et sacheries indispensables à l’activité commerciale.
A l’approche des fêtes de fin d’année et plus particulièrement de l’Epiphanie, les tensions observées sur l’approvisionnement en produits laitiers et tout spécialement en beurre laissent planer le spectre de difficultés similaires à celles connues fin 2017, où la filière de la boulangerie-pâtisserie avait connu une période d’incertitudes profondes et de ruptures inédites. Cela aura des impacts inévitables sur la production de galettes des rois, et plus globalement sur les produits de viennoiserie.
Plus loin de nos frontières, ce sont aussi les épices qui pourraient commencer à manquer. La FEDEMET (Fédération nationale des Epices et Mélanges Technologiques) annonce des situations de rupture sur de nombreuses références à craindre pour les mois à venir, sans perspective d’amélioration. Là encore, les conditions climatiques ou la désorganisation de la production induite par la pandémie de Covid-19 sont invoqués. L’ensemble de ces facteurs explique les très fortes hausses des matières premières originaires d’Asie et d’autres origines, à l’exemple du clou de girofle de Madagascar (+70%), du poivre du Vietnam (+ 66%), du piment du Mexique (+60%) ou encore de l’ail Chinois premier choix (+54%).
Plus que jamais, les artisans doivent gérer leurs entreprises avec courage et discernement
Le caractère durable de cette situation perturbée doit inciter nos boulangers-pâtissiers à répercuter les hausses, tout en adoptant des règles de gestion exigeantes. Le calcul des coûts de revient et le suivi de leur évolution doit devenir systématique, afin que les prix de vente soient déterminés en fonction de ces derniers et pas uniquement des habitudes ou de l’environnement concurrentiel.
L’équilibre entre les activités de l’entreprise est essentiel, le pain restant toujours la locomotive d’une boulangerie… sans négliger que chaque gamme de produits doit contribuer à une exploitation rentable de l’affaire. La pâtisserie ou la viennoiserie, dont les coûts en matière première sont naturellement élevés, ont trop longtemps vécu sous perfusion : la marge était récupérée sur le pain. Il est à présent inévitable d’agir avec courage et discernement, pour donner à chaque produit sa juste valeur et assurer la pérennité de la filière.